Baby-Loup : réaction à l'avis du Comité des droits de l'Homme de l'ONU

Baby-Loup : réaction à l'avis du Comité des droits de l'Homme de l'ONU

Je réagis au rebondissement que vient de connaître l’affaire dite Baby-Loup dans laquelle je me suis depuis longtemps investie, et le traitement médiatique dont il a fait l’objet.

Après de nombreuses années d’une procédure judiciaire qui semblait avoir pris fin, la Cour de cassation ayant donné raison à l'employeur d’avoir licencié une employée voilée car elle avait enfreint le règlement intérieur de l’établissement, cette dernière a saisi le Comité des droits de l’Homme de l’ONU. Il a rendu un avis contraire le 10 août dernier.

La salariée de cette crèche associative avait été licenciée en décembre 2008 pour faute grave en raison de son refus d’enlever son voile intégral, en dépit du règlement intérieur qui disposait : « Le principe de liberté de conscience et de religion des salariés ne peut faire obstacle au respect des principes de laïcité et de neutralité ». Après une bataille juridique débutée en conseil des prud’hommes, poursuivie âprement entre les cours d’appel de Versailles, de Paris et la Cour de cassation, c’est l’Assemblée plénière de la Haute juridiction qui met un point final à ce contentieux largement médiatisé en reconnaissant la justification du licenciement, en juin 2014.

Après épuisement des recours auprès des juridictions internes françaises, Madame A. et ses avocats ont renoncé à saisir la Cour européenne des droits de l’Homme, admettant leurs faibles chances d’y avoir gain de cause. Dernièrement, ils se sont tournés vers le Comité des droits de l’Homme de l’ONU, lequel leur a donné raison, comme le relate l’Obs dans un article du 24 août au titre bien racoleur : « Baby-Loup : la France condamnée à l’ONU pour ‘discrimination envers les femmes musulmanes’ ».

Si je ne peux que regretter de telles prises de position par une instance internationale à l’égard de la France, j’alerte sur la portée démesurée et disproportionnée donnée à cet avis ! En effet, comme le démontre Julie Klein pour le Club des Juristes (« Affaire Baby-Loup : la France a-t-elle été réellement condamnée par l’ONU ? »), « L’avis du Comité des droits de l’Homme est idéologique et devrait être sans influence sur la jurisprudence Baby-Loup [de 2014]. »

Cet organe, qui veille à la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, ne dispose d’aucun pouvoir juridictionnel. Ses avis ne revêtent aucun caractère contraignant ou pénalisant pour les États-parties. Très orienté politiquement en particulier en ce qui concerne les questions religieuses, il ne s’attache pas au contexte des cas qu’il examine (et s'oppose traditionnellement à notre modèle de laïcité), se basant avec constance sur une approche libérale à l’anglo-saxonne.

Quant à supposer une remise en cause de la jurisprudence française, on en est loin. Elle devrait rester couverte par la Cour européenne des droits de l’Homme et la Cour de Justice de l’Union Européenne, qui ont un véritable pouvoir juridictionnel.

Le traitement médiatique de cet événement m'inquiète par son caractère expéditif et superficiel. Car c'est plutôt à mes yeux un non événement, comme le qualifie Richard Malka, avocat de la crèche dans un entretien à Causeur. Tenu à l'écart du débat ouvert par l’Obs, il dénonce la désinformation entretenue autour de cette décision, et rappelle le caractère non contraignant et la portée limitée de l'avis en question. Une situation dont Caroline Fourest se préoccupe également dans Marianne, lors d’une réflexion consacrée à la légèreté journalistique.

Pour éviter qu'un tel feuilleton judiciaire ne se répète, j’avais porté en 2011 une proposition de loi votée au Sénat (mais non discutée à l'Assemblée nationale) visant à étendre l'obligation de neutralité aux structures privées responsables de la petite enfance et à assurer le respect du principe de laïcité. En 2016 enfin, j’avais introduit dans la réforme du Code du travail El Khomri, une disposition, toujours en vigueur dans notre droit positif, autorisant les entreprises à inscrire le principe de neutralité dans leur règlement intérieur.