Risque de surexposition des enfants aux écrans numériques
Je suis intervenue au Sénat lors de l'examen de la proposition de loi visant à lutter contre la surexposition des enfants aux écrans numériques de toute sorte : tablette, téléphone, ordinateur, télévision.
En effet, selon les médecins et les psychologues, la règle de précaution qui devait s'appliquer est celle des 3 / 6 / 9 / 12 : pas télévision avant trois ans, pas console de jeux avant 6 ans, pas d'internet avant 9 ans et pas de réseaux sociaux avant 12 ans.
Toutes les études en arrivent aux mêmes conclusions : ces dernières années les nouveaux usages des écrans numériques envahissent notre quotidien, avec un risque avéré de santé publique pour les enfants trop souvent surexposés à ces nouveaux supports numériques.
Il est urgent d'agir.
C'est la raison pour laquelle je suis intervenue dans la discussion de la proposition de loi de Mme Morin Desailly pour apporter un début de réponse et une prise de conscience de cette problématique.
Voici le texte de mon intervention du 20 novembre 2018 au Sénat :
Mme Françoise Laborde. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous débattons a été examinée selon la procédure de législation en commission et adoptée à l’unanimité, tant son objet est d’intérêt majeur pour la santé de nos futures générations.
Les scientifiques le démontrent avec constance depuis plusieurs années, l’exposition précoce des enfants aux écrans est délétère pour leur développement et constitue un risque important de santé publique.
Certes, la responsabilité d’exercer une vigilance de chaque instant sur l’usage des écrans numériques qui est fait par les enfants incombe d’abord aux parents, lesquels doivent protéger leurs enfants de toute surexposition, mais surtout donner l’exemple d’une utilisation raisonnée et raisonnable. Toute action de prévention passe nécessairement par ces derniers, et par l’entourage socio-éducatif des enfants.
L’impact des écrans sur nos vies est fort, car cet usage allie la facilité du virtuel et la force de l’émotionnel, le plus souvent en huis clos. Dans ce contexte, plus l’enfant sera accompagné par des adultes, mieux il sera outillé pour tirer les bénéfices des écrans, plutôt que d’en subir tous les risques. Pour réussir, il est préconisé d’appliquer une règle de précaution simple, celle du 3-6-9-12 : pas d’écran avant 3 ans, pas de console de jeux avant 6 ans, pas d’internet avant 9 ans, pas de réseau social avant 12 ans.
Selon l’étude Junior Connect’ de 2017, les enfants âgés de un à six ans passent en moyenne quatre heures et trente-sept minutes par semaine devant un écran, soit cinquante-cinq minutes de plus qu’en 2015. Or les conséquences d’une exposition prolongée sont dramatiques : problèmes de langage, de repères dans l’espace et de sommeil, perte d’habileté motrice ou d’attention liée à trop de sédentarité et de passivité, voire vision du monde à plat.
J’ai la conviction que la politique de prévention des risques associée à ces mésusages doit être renforcée, et je félicite ma collègue Catherine Morin-Desailly d’avoir œuvré en ce sens, même s’il reste des pistes d’amélioration. En commission, nous avons adopté un texte obligeant les fabricants, dans les conditions fixées par arrêté, à indiquer sur l’emballage des outils numériques que leur utilisation peut nuire au développement psychomoteur des enfants de moins de trois ans et prévoyant qu’un message similaire apparaisse dans les publicités, comme cela est le cas pour ce qui concerne les aliments gras, par exemple.
Cette multiplication des supports de diffusion du message, fruit du travail de la commission, est nécessaire pour que la mesure de prévention ait un effet réel. Plusieurs amendements visant à élargir la portée du message ont d’ailleurs été déposés par mon groupe.
Le premier tendait à élargir le périmètre de diffusion du message sanitaire aux sites de e-commerce qui mettent en vente des outils et des jeux numériques avec écran. Cette discussion devra être menée à l’échelon européen, dans le cadre de la renégociation de la directive e-commerce.
Il est également nécessaire, à mon sens, d’élargir ce message aux plateformes qui fournissent des contenus audiovisuels, afin notamment d’alerter les parents sur les effets du visionnage par les très jeunes enfants des vidéos qui leur sont expressément destinées, comme celles de comptines enfantines disponibles en ligne. La future loi sur l’audiovisuel, qui sera examinée au second semestre 2019, sera l’occasion d’en débattre.
Enfin, les décrets d’application devront associer aux « actions d’information et d’éducation institutionnelle » tous les services sanitaires et socio-éducatifs entourant les jeunes enfants : les services de santé, bien sûr, mais aussi ceux de la petite enfance. Nous considérons en effet que les agents de ces services doivent réellement être formés à la problématique de l’impact des écrans sur les enfants, afin qu’ils puissent eux aussi être acteurs de la prévention, surtout dans la mesure où ces services disposent d’écrans mis à la disposition des enfants, à l’instar des médiathèques.
Si la commission de la culture a fait preuve de bon sens en adoptant à l’unanimité cette proposition de loi, mon incompréhension a cependant été totale à l’annonce de la position défavorable du Gouvernement. Il vous semble urgent d’attendre, madame la secrétaire d’État. Il nous paraît au contraire que nous devons nous fier aux recherches scientifiques, toutes concordantes, qui estiment qu’il est urgent d’agir.
La procédure de législation en commission a limité l’approfondissement du travail parlementaire sur ce texte, et nous le regrettons. Nous estimons toutefois que la politique de prévention sur l’usage précoce des écrans, qui doit être transversale, mérite d’être accélérée et amplifiée. C’est pourquoi le groupe du RDSE votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements.)