Projet de loi d'habilitation du Dialogue social par ordonnances
Je suis intervenue, le 2 août 2017, au Sénat, au nom de mon groupe parlementaire, le RDSE, dans la discussion générale de l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social (texte de la commission n° 698, rapport n° 697).
Voici le texte de mon intervention in extenso :
Mme Françoise Laborde. " Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président-rapporteur, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour entériner les conclusions de la commission mixte paritaire qui s’est tenue lundi après-midi.
Si nous pouvons nous féliciter des débats constructifs et de l’adoption d’un texte commun, nous sommes plus circonspects quant à la méthode employée. Mon collègue Guillaume Arnell l’avait déjà souligné en première lecture, « les ordonnances constituent une forme de législation déléguée qui affaiblit le rôle du Parlement, au même titre qu’une interprétation trop restrictive du droit d’amendement ou le recours systématique à la procédure accélérée ». D’autant qu’il s’agissait, à l’origine, d’une procédure exceptionnelle, destinée à faire face à une situation urgente et pour un délai limité seulement.
C’est la raison pour laquelle les sénateurs du groupe du RDSE sont réticents, je le répète, au fait de donner un blanc-seing au pouvoir exécutif, quel qu’il soit, surtout lorsqu’il s’agit d’une réforme d’une telle ampleur et que la concertation avec les partenaires sociaux se poursuit.
Sur le fond, la majorité des membres du RDSE partagent les grandes orientations de votre réforme, qui vise à offrir plus de souplesse aux entreprises tout en protégeant les salariés. Nous devons en effet faire preuve de pragmatisme et adapter notre droit du travail à la réalité économique actuelle si nous voulons nous attaquer au chômage de masse que la France connaît depuis plus de trois décennies.
En effet, pour nos concitoyens qui y sont confrontés, le chômage est une véritable souffrance : au-delà de la perte d’un salaire, le chômage constitue aussi la perte d’un lien social et une atteinte à l’estime de soi. Selon une étude de 2015 de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale – INSERM –, en France, aujourd'hui, 10 000 à 14 000 décès par an sont imputables à l’absence d’emploi et on constate une véritable augmentation du nombre des décès par suicide. Alors, oui, inverser durablement la courbe du chômage est une impérieuse nécessité !
Lors de sa réunion, la commission mixte paritaire a confirmé plusieurs avancées proposées à l’Assemblée nationale et au Sénat. Je pense notamment au télétravail, à la suppression de la condition d’ancienneté minimale d’un an nécessaire à l’ouverture du droit à l’indemnité de licenciement, à la formation des représentants du personnel, à la prise en compte de la situation des personnes handicapées et de l’égalité entre les femmes et les hommes, ou encore à l’exclusion de la barémisation des indemnités prud’homales pour les licenciements entachés par une faute de l’employeur d’une exceptionnelle gravité.
S’agissant des points de divergence entre nos deux assemblées, les débats en commission mixte paritaire ont permis à nos collègues de dégager un consensus ; je m’en félicite.
C’est le cas notamment de l’aménagement du calendrier de mise en place des accords majoritaires de la loi du 8 août 2016 auxquels nous sommes particulièrement attachés. C’est en effet la garantie de la légitimité des accords d’entreprise et des organisations syndicales.
C’est le cas également de la réintroduction de la référence aux accords de maintien de l’emploi dans la liste des accords dont il est envisagé d’harmoniser le régime. Comme l’a rappelé le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, non seulement la suppression de la référence à ces accords ne suffisait pas à supprimer leur existence juridique, mais elle était, en plus, contre-productive puisqu’elle conduit à renoncer à l’harmonisation du régime juridique applicable aux accords de maintien de l’emploi avec les autres accords spécifiques mentionnés à cet alinéa.
Je pense aussi à la mise en place obligatoire d’une commission exclusivement consacrée aux questions d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail au sein de la future instance unique de représentation du personnel.
Si la CMP a conservé le caractère spécifique du motif de licenciement d’un salarié qui refuse l’application d’un accord collectif – tel que l’avait proposé notre commission des affaires sociales –, nous nous réjouissons qu’elle ait trouvé un compromis en proposant aux salariés un accompagnement spécifique sous la forme de droits complémentaires à la formation.
S’agissant, en revanche, de l’encadrement des indemnités prud’homales, le groupe du RDSE est assez partagé, certains d’entre nous estimant que le barème indicatif mis en place par la loi El Khomri était suffisant. En revanche, nous nous félicitons de votre promesse de revaloriser le montant des indemnités de licenciement, qui, rappelons-le, sont parmi les plus faibles d’Europe.
Madame la ministre, vous l’aurez compris, la majorité des sénateurs du RDSE soutiendra ce projet de loi d’habilitation, qui constitue la première étape de votre réforme. Pour autant, nous serons particulièrement attentifs aux mesures qui seront soumises à ratification dans quelques mois." (Mme Josiane Costes applaudit.)