Mission sur les bibliothèques et les mediathèques

Mission sur les bibliothèques et les mediathèques

Rapporteure pour avis de la mission Médias, livre et industries culturelles : Livre et industries culturelles du projet de loi de Finances 2018, je participe avec beaucoup d'intérêt aux auditions conduites par la Commisison Culture sur l'avenir des bibliothèques.

Le 21 mars 2018, nous avons reçu M. Erick Orsenna, de l’Académie française, et M. Noël Corbin, Inspecteur général des affaires culturelles, venus nous présenter les conclusions de leur rapport.

En effet, en juillet 2017, ils se sont vus confier par la ministre de la culture, le rôle « d’ambassadeurs de bonne volonté» sur les bibliothèques et les médiathèques, pour établir un rapport, après un large échange avec toutes les parties concernées, au premier rang desquelles les collectivités locales. Un grand débat national doit s'enseuivre en ce printemps 2018.

Le rapport « Voyage au pays des bibliothèques, lire aujourd’hui, lire demain » a été remis au Président de la République le 20 février. Il constitue un « carnet de voyage » nourri des déplacements et de rencontres. Il reste tout un travail de chiffrage et de faisabilité à mener.

Le document se refère  aussi au rapport publié en 2015 par ma collègue Sylvie Robert, « qui a ouvert le chemin » dans son travail « L’adaptation et l’extension des horaires d’ouverture des bibliothèques publiques », remis au ministre de la Culture, F. Pellerin, en 2015.

 

Synthèse du rapport Orsenna Corbin :

  1. Le constat : les bibliothèques sont « des lieux du livre, mais aussi, et tellement, des lieux du vivre»
  • Le rapport recense 16 500 « équipements de lecture », soit 7 700 bibliothèques et 8 800 « points d’accès » ou dépôts de livres, qui offrent un accès moins aisé aux ouvrages.
  • Les auteurs soulignent de très fortes disparités dans les horaires d’ouverture :

entre les grandes villes et les plus petites, avec par exemple 4 heures d’ouverture par jour dans l’annexe d’une mairie contre 55 heures au Havre. Les bibliothèques sont ouvertes 20 heures en moyenne pour les villes de plus de 20 000 habitants et 42 heures pour celles de plus de 100 000 habitants ;

mais également entre Paris et les grandes métropoles mondiales. La capitale, avec une ouverture moyenne de 38 heures, soutient difficilement la comparaison avec les autres métropoles, comme Copenhague (98 heures hebdomadaires) ou Londres (78 heures).

  • Les bibliothèques sont les équipements culturels les plus fréquentés, avec 27 millions de visiteurs en 2016, en hausse de 23 % par rapport à 2005. 40 % des français fréquenteraient une bibliothèque au moins une fois par an. Les auteurs du rapport mettent ce surcroit de fréquentation moins sur l’attrait pour les ouvrages que sur une diversification de leurs activités: accès Wifi, café, lectures publiques etc.. Ce constat d’une diversification se retrouve dans le fait que 50 % des personnes n’empruntent pas de livres, et interroge sur l’attention exclusive portée aux collections.
  • Le rapport recense de nombreuses initiatives locales, soutenues ou non par l’Etat, qui contribuent à mieux insérer les bibliothèques au cœur de la cité et à répondre aux besoins spécifiques des populations : lutte contre l’illettrisme, mais aussi contre la fracture numérique ou les handicaps. Le rapport pointe ainsi l’importance des « points lecture » dans les zones rurales, tout en soulignant la précarité de leurs conditions de fonctionnement.
  • Les auteurs évoquent largement l’association « Lire et faire lire », qui regroupe 17 300 lecteurs bénévoles, en majorité des retraités, qui ont fait profiter, en 2016, 641 000 enfants de leur offre.
  • Le ministère de la Culture consacre 13,5 M€ par an – soit une hausse de 1 M€ en 2018 - au développement de la lecture dans les territoires.
  • 133 000 prêts numériques ont été réalisés en 2016, en utilisant le cadre unifié « PNB » (prêt numérique en bibliothèque »), soit 0,7 % de l’ensemble des prêts. La tendance est cependant à une hausse « lente, mais visiblement sans retour ». L’offre de prêt numérique souffrirait encore de nombreux problèmes, notamment la faiblesse de l’offre – 134 683 titres -, et de la question pas encore réglée des droits d’auteur.
  1. Des propositions pour certaines très iconoclastes 

Le rapport formule 19 propositions, certaines particulièrement novatrices dont la mise en œuvre pourrait ne pas être aisée.

Les plus significatives sont les suivantes :

  • L’extension des horaires d’ouverture des bibliothèques

La lettre de mission souligne que le Président de la République et le Premier ministre ont fait de l’ouverture des bibliothèques le dimanche et en soirée l’une de leurs priorités. Elle rappelle à ce propos que le Premier ministre, lors de son discours de politique générale, avait souhaité voir la France « rester, ou redevenir, une nation de lecteurs ».

Les auteurs proposent le lancement d’un « plan national pour les bibliothèques », qui nécessite un accompagnement financier de l’Etat – en attente d’évaluation budgétaire -, évoqué par le Président de la République., mais privilégient une concertation au niveau local pour se rapprocher le plus possible des besoins des populations.

Selon eux, l’objectif minimum doit être que toutes les villes de 100 000 habitants disposent au moins d’une bibliothèque ouverte le dimanche.

  • L’ouverture des bibliothèques universitaires – ou d’autres lieux - le dimanche 

Les auteurs jugent impératif de tenir à disposition des étudiants les bibliothèques le dimanche. Compte tenu des besoins de cette population en espaces de travail, accès au Wifi et à l'électricité, les auteurs font la proposition iconoclaste d’ouvrir le dimanche des locaux administratifs, des restaurants universitaires, des salles de classe.

  • Le « troisième lieu » 

Les auteurs souhaitent transformer les bibliothèques en « troisième lieu », entre le travail et la maison. Cette expression matérialise une ambition qui modifie fondamentalement la bibliothèque, lieu appelé à devenir protéiforme et multiservices, d’échanges, de sociabilité, où la place du livre serait constante, mais moins centrale. En plus de l’extension des horaires d’ouverture pour les bibliothèques traditionnels, ce troisième lieu peut s’implanter virtuellement partout : dans les salles de sport, les piscines etc..  

De nombreuses questions restent cependant en suspend. J'en ai évoquées un certain nombre lors de l'audition du 21 mars.

  •  Sur l’extension des horaires d’ouverture

Le rapport démontre que l’extension des horaires d’ouverture des bibliothèques est un enjeu majeur dont la mise en oeuvre doit se faire grâce à un dialogue au niveau local afin d'en déterminer la temporalité la plus adaptée. Cette extension des horaires aurait un coût considérable, chiffrez à 21 millions d’euros par heure pour l’ensemble des bibliothèques.

  •  Sur la question de l’ouverture aux étudiants des bibliothèques le dimanche

Une piste envisagée serait ll’ouverture de restaurants universitaires ou de bâtiments administratifs, mais la question du financement se pose.

  •  Sur le rôle des collectivités locales

Le rapport met en avant les très nombreuses initiatives prises au niveau local, aussi bien par les collectivités que par les associations, pour inciter à la lecture comme pour lutter contre les diverses exclusions. Il souligne que la volonté de mener une politique ambitieuse en la matière n’a de rapport ni avec la taille, ni avec les moyens de la collectivité. Il s'agit d'identifier les moyens pour que ces exemples se généralisent.

  •  Sur le prêt numérique 

Le rapport fait état d’environ 130 000 prêts par an, nombre limité en particulier par la faiblesse du catalogue de seulement 134 683 titres, et évoque le développement « lent mais visiblement sans retour » du prêt numérique. Or la CJUE a rendu le 10 novembre 2016 un arrêt « Openbar bibliotheken » qui aligne le droit au prêt numérique et la rémunération des auteurs sur le régime du livre imprimé, avec cependant une définition encore restrictive du prêt qui ne tient pas réellement compte de la spécificité du numérique. L'application de cette disposition nécessite des avancées législatives. Il s’agit d’une décision lourde, qui doit associer auteurs, bibliothèques et éditeurs.

 
  • consulter le rapport 2015 de Me S. Robert, sénatrice, à la Ministre de la Culture et de la Communication, F. Pellerin, sur l’adaptation et l’extension des horaires d’ouverture des bibliothèques publiques.