Liberté de choisir son avenir professionnel : nouvelle lecture
Après l'échec de la commission mixte paritaire, une nouvelle lecture du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel a été nécessaire.
Je suis intervenue le 30 juillet dans la discussion générale au nom du groupe RDSE.
Texte intégral de mon intervention :
"Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, « dans un monde en pleine mutation, avec un marché du travail qui évolue extrêmement vite, chacun doit pouvoir choisir de se former, être acteur de sa vie professionnelle et non plus la subir. La compétence est la meilleure des protections. »
C'est dans cet esprit, madame la ministre, que vous nous avez soumis ce projet de loi, qui porte « l'ambition de l'émancipation sociale par le travail et la formation ».
Le niveau élevé du chômage et un monde du travail en perpétuelle évolution doivent nous conduire à considérer le développement des qualifications et des compétences comme un outil précieux pour l'accès et le retour à l'emploi, ainsi que le maintien dans l'emploi.
Les experts estiment en effet que plus de la moitié des métiers seront profondément transformés d'ici à cinq ans. Dans ce contexte, la formation est indispensable pour préparer les salariés aux changements professionnels qu'ils choisiront ou subiront au cours de leur carrière et pour permettre aux plus fragiles d'acquérir les compétences nécessaires.
Elle doit nous aider à lutter contre l'inégalité des chances qui existe, hélas, de façon inévitable au départ de chaque vie et que l'école ne permet pas toujours de réduire autant qu'il le faudrait.
Malgré un financement considérable – 32 milliards d'euros – et différentes réformes, notre système de formation est toujours complexe, injuste et opaque. Il profite surtout aux salariés qui en ont le moins besoin. Les ouvriers ont ainsi deux fois moins de chances d'être formés que les cadres ; il en va de même pour les employés des très petites entreprises par rapport à ceux des entreprises de 250 salariés et plus.
Aussi, cette réforme de la formation professionnelle et de l'apprentissage, empreinte d'un effort de lisibilité, est la bienvenue.
Est-il besoin de rappeler que l'apprentissage constitue un rempart contre le chômage, notamment celui des jeunes, puisque 60 % des apprentis obtiennent un CDI à la fin de leur contrat d'apprentissage ? Espérons seulement que ce texte permette de transformer cet outil, trop souvent considéré comme une voie de garage, en véritable voie d'excellence !
Ce texte comporte, bien sûr, d'autres dispositions très intéressantes, comme l'assurance chômage étendue aux démissionnaires et aux indépendants, quoique modeste dans son ambition, et les mesures favorisant l'accès à l'emploi des personnes en situation de handicap, encore trop souvent exclues du marché du travail.
Je n'oublie pas non plus les avancées en matière de lutte contre les violences sexistes et sexuelles et d'égalité professionnelle, un sujet qui, vous le savez, me tient à cœur. Sur ce point, gageons que ces dispositions seront enfin respectées !
Malheureusement, notre assemblée risque d'abréger l'examen de ce texte en adoptant la motion tendant à opposer la question préalable qui nous sera présentée tout à l'heure. Le groupe RDSE, qui, par principe, préfère que le débat parlementaire puisse aller à son terme, regrette ce choix.
Certes, le calendrier d'examen était particulièrement contraint, avec une réunion de la commission mixte paritaire quelques heures à peine après la fin de l'examen au Sénat et une nouvelle lecture à l'Assemblée nationale qui s'est terminée voilà seulement quelques jours. Pour un texte aussi dense, c'est pour le moins regrettable.
J'entends également les arguments avancés par les rapporteurs, lesquels estiment que les députés et l'exécutif ont refusé d'entendre la voix de notre assemblée. Il est vrai que, en nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a, sans grande surprise, rétabli la quasi-intégralité du texte adopté par elle en première lecture, supprimant ainsi la plupart des modifications apportées par la Haute Assemblée. À titre personnel, je dois dire que je le regrette, car j'avais trouvé que nous avions bien travaillé dans cet hémicycle en première lecture.
Je pense à la monétisation du compte personnel de formation, dont certains s'inquiètent des effets délétères. Cette mesure suscite toujours autant d'oppositions. Comme ma collègue Véronique Guillotin l'a très justement expliqué en première lecture, nous redoutons un reste à charge dissuasif et, surtout, de nouvelles inégalités pour les salariés. La commission des affaires sociales avait en partie répondu à ces craintes par la mise en place d'une période de transition pour la conversion en euros et de règles d'actualisation régulière des droits acquis.
Nous avons également renforcé la place des régions en matière d'apprentissage par l'élaboration d'une stratégie régionale pluriannuelle opposable aux branches professionnelles et par l'adoption de plusieurs amendements, dont celui du RDSE, visant à confier conjointement aux régions et aux branches professionnelles la politique régionale d'accès à l'apprentissage.
Nous nous félicitions, par ailleurs, de la volonté de la commission de garantir une gouvernance réellement quadripartite du conseil d'administration de France compétences, pour que cet organisme ne soit pas uniquement un opérateur de l'État.
S'agissant enfin, madame la ministre, de votre amendement à l'article 33, visant à confier aux partenaires sociaux le soin de négocier de nouveaux accords d'assurance chômage sans attendre l'échéance de l'actuelle convention, je crois que le Sénat a fait preuve d'une grande sagesse en le rejetant.
Le président Jean-Claude Requier l'avait expliqué au cours des débats : si notre groupe approuve globalement l'objectif de mettre en place une réforme de l'assurance chômage efficace, il désapprouve la méthode. C'est là une question importante, qui nécessitait certainement que notre assemblée l'examine avec le sérieux qui la caractérise, et non au détour d'un amendement déposé, oserai-je dire, dans la précipitation et discuté à une heure tardive, sans que notre commission ait eu le temps de se pencher réellement sur lui.
Pour autant, madame la ministre, notre groupe partage la philosophie de cette réforme majeure pour l'organisation du système de formation professionnelle et la lutte contre le chômage. C'est pourquoi nous regrettons, une nouvelle fois, que cette ultime discussion ne puisse avoir lieu au sein de notre belle assemblée, reconnue pour ses débats apaisés et la richesse de ses échanges. Nous ne pourrons, en conséquence, soutenir la motion tendant à opposer la question préalable.
(Mme Maryse Carrère et M. Jean-Claude Requier applaudissent.)"