La mastectomie en débat au Sénat

La mastectomie en débat au Sénat

Mardi 5 mars 2019, au Sénat, lors des débats dans l'hémicycle, j'ai évoqué une nouvelle technique de tatouage en 3D qui participe de la reconstruction de l'image de soi pour les femmes ayant été opérées d'un cancer du sein.

La proposition de loi de  la sénatrice C. Dercohe, en discussion, visait à inscrire dans la loi l'obligation pour les médecins d'informer très tôt les patientes sur la reconstruction mammaire.

 

 

Texte intégral de mon intervention :

"Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, guérir d'un cancer du sein ne suffit malheureusement pas. Après le choc de l'annonce et les traitements éprouvants, les femmes ont besoin de se reconstruire, de se réapproprier leur vie de femme, leur vie sociale et professionnelle, leur vie amoureuse et leur féminité.

Cette épreuve est particulièrement douloureuse lorsqu'elle s'accompagne d'une mastectomie. L'opération, vécue par beaucoup de femmes comme une mutilation, laisse d'importantes séquelles et entraîne un traumatisme à la fois physique et émotionnel.

Les chiffres ont été rappelés : le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez la femme et la mastectomie intervient dans près de 30 % des cas.

Après une ablation totale du sein, la reconstruction mammaire n'est évidemment pas obligatoire et doit rester un choix personnel. Certaines femmes, d'ailleurs, la refusent. Mais, comme vous l'avez rappelé en commission, madame la ministre, « les patientes doivent avoir toutes les informations en main pour faire un choix éclairé ».

Or les chiffres recueillis par l'Observatoire sociétal des cancers de la Ligue contre le cancer montrent que très peu de patientes – seulement deux ou trois sur dix – s'engagent dans une reconstruction chirurgicale. Plusieurs raisons sont évoquées : tout d'abord, le fait que les hôpitaux qui pratiquent la mastectomie ne proposent pas tous la reconstruction ; ensuite, des listes d'attente trop longues ; également, un reste à charge très souvent élevé ; enfin, un manque d'information. Selon une étude menée par l'Institut Curie en 2011, plus de 60 % des patientes qui n'ont pas recouru à une reconstruction du sein estimaient l'information à ce sujet absente ou insuffisante au moment de la mastectomie.

Pour beaucoup de ces femmes, leur image est source d'une grande souffrance. Recourir à la reconstruction mammaire est alors essentiel pour ne plus voir la maladie lorsqu'elles se regardent dans le miroir. Cette perspective fait partie du processus de guérison et permet de « clore un chapitre » en se réappropriant leur corps. C'est, d'une certaine manière, une renaissance.

C'est pourquoi je remercie notre collègue Catherine Deroche d'avoir déposé cette proposition de loi qui vise à inscrire dans la loi l'obligation d'informer les patientes sur la reconstruction mammaire.

Même si vous ne vous y opposerez pas, je sais, madame la ministre, que vous êtes réservée sur ce texte. Vous considérez que l'information dont il est question est déjà couverte par le code de la santé publique, qui pose les principes généraux de l'information des usagers du système de santé. Vous avez également rappelé en commission que l'Institut national du cancer mettait à disposition des patientes des outils d'information sur les offres de reconstruction, tels que la plateforme Cancer info.

Je pense au contraire que cette proposition de loi est nécessaire pour que les chirurgiens parlent très tôt de la reconstruction mammaire à leurs patientes.

Comme l'a rappelé Mme la rapporteure, dont je salue l'excellent travail, cela permettra « aux équipes médicales de les accompagner de façon optimale, par une information la plus complète possible, sur le chemin de l'acceptation de leur nouveau corps ».

Madame la ministre, je profite de cette tribune pour aborder une dernière question qui me semble importante pour toutes les femmes qui entrent dans un processus de reconstruction mammaire. Celle-ci se fait en plusieurs temps, le dernier étant la reconstruction de l'aréole et du mamelon. Cette ultime étape est essentielle pour que les patientes se réapproprient leur apparence physique.

L'aréole est reconstruite soit par une greffe – opération particulièrementdouloureuse –, soit par la dermopigmentation, qui n'est que temporaire et offre un résultat esthétique souvent décevant.

Or il existe une nouvelle méthode : le tatouage tridimensionnel définitif de la plaque aréolo-mamelonnaire. Cette technique innovante a été importée des États-Unis par une ancienne chercheuse spécialisée en oncologie et reconvertie dans ce procédé, Alexia Cassar. Elle permet une reconstruction définitive, esthétique et personnalisée de l'aréole et du mamelon, qui va ainsi aider à l'intégration de ce nouveau sein reconstruit. Pour l'instant, ce procédé qui contribue à la reconquête de l'estime de soi pour les femmes opérées est malheureusement peu développé, non correctement encadré et pas encore pris en charge, même si une mutuelle a proposé récemment une prise en charge partielle. Je pense, madame la ministre, qu'il y aurait là matière à réfléchir.

En conclusion, le groupe du RDSE apportera tout naturellement son soutien unanime à cette proposition de loi."

La proposition de loi a été adoptée par le Sénat.