Explication de vote : Egalité et citoyenneté
Le 18 octobre, je suis ntervenue au Sénat au nom du groupe RDSE lors de l'explication de vote sur le projet de loi Egalité et Citoyenneté.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le ministre – je souhaite également saluer Mme la ministre du logement et de l’habitat durable, qui s’est excusée de son absence –, mesdames les rapporteurs, mes chers collègues, « qui dit inflation, dit dévalorisation : quand le droit bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu’une oreille distraite ».
Cette phrase extraite du rapport public du Conseil d’État de 1991 portant sur la sécurité juridique est plus que jamais d’actualité, tant ce texte est un fourre-tout législatif, au risque de galvauder et d’abîmer les notions républicaines d’égalité et de citoyenneté.
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Partant de constats partagés, à savoir l’impérieuse nécessité de rétablir les fondements de la cohésion sociale et de lutter contre la ségrégation spatiale et les discriminations, le projet de loi n’a pas su trouver de cohérence, malgré les efforts de rigueur déployés par les rapporteurs de la commission spéciale.
Autre remarque liminaire : nos débats ont parfois été entravés par une application quelque peu inéquitable des articles 40, 41 et 45 de la Constitution, qui vient porter une atteinte à notre droit d’amendement, quand les députés, eux, ont introduit de très nombreux cavaliers législatifs.
Mes chers collègues, il faut que nous ayons une interprétation plus unifiée. L’examen d’un texte au Sénat ne devrait pas servir de contrôle de constitutionnalité a priori des textes adoptés par l’Assemblée nationale.
Après ces quelques remarques de forme, tentons de parler du texte.
Tout d’abord, j’évoquerai le titre Ier, qui concerne la création de la réserve citoyenne et la montée en puissance du service civique, ainsi que leur valorisation dans les parcours professionnels. Nous soutenons ces mesures, comme tout ce qui renforce le service civique, dispositif que le groupe du RDSE a engagé.
En ce qui concerne les dispositions relatives à l’éducation, nous considérons que le législateur n’est pas allé assez loin. Comme Victor Hugo, notre groupe estime que « l’égalité a un organe : l’instruction gratuite et obligatoire ». C’est, pour nous, une fonction régalienne de l’État.
Ainsi, nous regrettons que les amendements que nous avions déposés pour rendre effectif le contrôle de l’État sur l’instruction à domicile et l’enseignement privé hors contrat n’aient pas été accueillis favorablement. Cependant, les contrôles a posteriori seront, semble-t-il, renforcés, et nous serons attentifs au régime d’autorisation d’ouverture des établissements privés, que proposera le Gouvernement.
En ce qui concerne les dispositions relatives au logement, le texte du Sénat est en recul quant aux obligations de mixité sociale, en laissant une grande liberté à la contractualisation entre le préfet et les collectivités, sans aucun encadrement,…
M. Philippe Dallier. C’est faux !
Mme Françoise Laborde. … contrairement à ce qui est prévu pour les obligations de construction de logements sociaux dans la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
Nous proposions une voie intermédiaire, celle qui consistait à fixer un plancher de 15 % d’attribution de logements sociaux, en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville, aux ménages les plus démunis. La majorité sénatoriale l’a rejetée, préférant une position extrême, donc moins raisonnable et moins sage. Il est donc à craindre qu’il en soit de même pour l’application de la loi SRU et que la contractualisation fondée sur la volonté de s’adapter aux réalités locales, que nous soutenions, ne soit qu’une manière d’exonérer les communes de leurs obligations.
C’est le sentiment donné par le gonflement de la liste des logements entrant dans le décompte des logements sociaux au titre de la loi SRU, qui fait artificiellement baisser le taux de logements à atteindre.
Toujours sur le titre II du projet de loi, j’exprime notre satisfaction quant à l’adoption de notre amendement qui tend à sécuriser la minorité de blocage permettant aux communes de s’opposer au transfert automatique de la compétence relative au plan local d’urbanisme à l’intercommunalité, prévue par la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové de 2014, y compris après la période transitoire pendant laquelle coexisteront plusieurs documents d’urbanisme sur le territoire des établissements publics de coopération intercommunale résultant de fusions.
Sur ce point, le texte du Sénat est donc plus respectueux de la volonté du législateur, exprimée lors de l’examen de la loi ALUR.
Au titre III, les mesures proposées en matière de liberté de la presse ont fait l’objet d’âpres débats. L’ouverture de l’action en réparation des préjudices résultant des abus de la liberté de la presse devant les juridictions civiles sur le fondement de la responsabilité pour faute, à l’exception de ceux qui sont commis par les journalistes, mettra fin au sentiment d’impunité de certains auteurs anonymes.
L’allongement des délais de prescription de trois mois à un an pour les infractions commises sur internet est une solution plus judicieuse que le point de départ mobile, car celui-ci rendait de fait l’infraction imprescriptible.
Cependant, nous estimons que l’adaptation de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse mérite que l’on s’y attarde lors d’un débat apaisé et éclairé, pour s’assurer de la constitutionnalité de modifications apportées. S’il est impératif de mieux protéger les victimes des abus de la liberté de la presse commis sur Internet, il est essentiel de garantir le subtil équilibre entre droits de la victime et liberté d’expression.
Cette liberté d’expression, si ardemment défendue à l’article 37, n’a pas empêché qu’une partie de l’hémicycle y porte atteinte à l’article 38 ter en créant un délit de négation, de minoration ou de banalisation des crimes de génocide, des crimes contre l’humanité, de réduction en esclavage ou des crimes de guerre.
Espérons que le Conseil constitutionnel sera constant dans sa jurisprudence et se fera de nouveau le défenseur de la liberté d’expression, d’autant qu’il n’est pas de la compétence du législateur d’écrire ou de dire la vérité historique. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE.)
Mes chers collègues, comment se prononcer sur un texte qui rassemble autant de thèmes et de sous-thèmes ? Bien que nous soutenions les grandes orientations du projet de loi, le groupe du RDSE n’en partage pas la totalité des dispositions. C’est la raison pour laquelle une grande majorité de ses membres s’abstiendra. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)