proposition de loi RDSE pour allonger le délai d'entrée en vigueur des intercommunalités

proposition de loi RDSE pour allonger le délai d'entrée en vigueur des intercommunalités

Retrouvez le compte-rendu intégral de l'examen au Sénat, le jeudi 7 avril 2016, de la proposition de loi du groupe RDSE.

Ce texte que j'ai co signé vise à retarder la mise en application du SDCI et tend à modifier la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République pour permettre de rallonger d'un an le délai d'entrée en vigueur des nouvelles intercommunalités.

Déposée au Sénat par M. MÉZARD président du RDSE, elle a "pour objectif d'adapter aux réalités des territoires les enjeux de la nouvelle carte intercommunale, en laissant un temps suffisant de planification aux élus pour la mise en œuvre des nouvelles intercommunalités".

Elle se compose d'un article unique qui prévoit "un délai d'un an supplémentaire pour la mise en oeuvre des nouvelles intercommunalités, si la commission départementale de coopération intercommunale le propose dans un vote à la majorité simple. Dans ce cas, le préfet devra différer du 1er janvier 2017 au 1er janvier 2018 la date d'entrée en vigueur de l'arrêté portant création, fusion, ou modification du périmètre des nouvelles intercommunalités, afin de mieux tenir compte des contraintes locales".

Retrouvez ci-dessous le texte intégral de nos deux interventions dans la Discussion générale :

Texte de l'intervention de J. MEZARD :

"M. Jacques Mézard, auteur de la proposition de loi . - On n'échappe pas à sa destinée ; la nôtre, monsieur le ministre, est de nous opposer, malgré notre amitié, par la volonté de l'exécutif et de son chef ; je n'ai guère souhaité cette confrontation que le Gouvernement désire, sans regard pour l'expression des territoires. Nous avons élaboré cette proposition de loi avant votre nomination, pour insuffler une bouffée d'oxygène, desserrer le carcan autoritaire que la loi NOTRe impose aux élus locaux. De quoi s'agit-il ? Tout simplement de permettre à titre exceptionnel à ceux qui en expriment la volonté, confirmée par un vote majoritaire de la commission départementale de coopération intercommunale (CDCI), de différer d'un an la création par fusion d'une nouvelle intercommunalité.

De grâce, assez de caricatures et d'approximations ! Soyons clairs : le but n'est aucunement de remettre en cause le principe et l'application de la loi NOTRe, ni les schémas départementaux révisés de coopération intercommunale. Nous n'y touchons pas, tels qu'ils sont validés, si nous donnons à la commission départementale de coopération intercommunale la possibilité de saisir le préfet pour un report d'un an, au 1er janvier 2018 au lieu du 1er janvier 2017.

Les nouvelles intercommunalités prêtes ne seront donc gênées en rien, quoi qu'en dise le Gouvernement. Dans chaque département, des fusions seront réalisées dès 2017, sans que les alternances n'y puissent rien. Arguer des diverses zones de revitalisation rurale, c'est donc fallacieux ; ce n'est pas la première fois que le Gouvernement est contradictoire - qu'il prétend que c'est la lune de miel, dans les départements, entre les élus et les préfets ; cependant, il annonce à présent une avalanche de reports au cas où notre proposition serait adoptée. Ces deux arguments sont à mon sens erronés. Il faudrait savoir : de deux choses l'une, ou il s'en tient aux « informations » que lui fait remonter complaisamment la haute administration, ou il accepte de regarder la réalité en face, celle que nous connaissons, sur le terrain.

Qu'en est--il ? Dans certains départements - pas tous - se posent de vrais problèmes techniques, administratifs, mais aussi des problèmes de gouvernance future. Fusionner des communautés de communes à régimes de fiscalité différents, des agglomérations ou des communautés urbaines avec des communautés de communes, des intercommunalités aux compétences différentes et dont certaines devront être restituées aux communes : tout cela n'a rien de simple.

Cette grande diversité empêche de fusionner à la hussarde. Il ne suffit pas d'affirmer que les services de l'État sont là pour assister les élus locaux. Ainsi, des intercommunalités capteront plus de deux cents élus, au mépris des relations avec les citoyens.

Mme Lebranchu n'a pas répondu - comme à son habitude - à une question que nous lui posions ici sur la carte des conseillers : quelle manque de considération pour les élus locaux ! Monsieur le ministre, si l'association nationale des EPCI nous soutient, si dix-neuf députés socialistes ont déposé un texte dans notre sens...

M. Pierre-Yves Collombat. - Tant que cela ?

M. Jacques Mézard. - ...c'est qu'il y a bien un problème, perçu sur la plupart des bancs. Deux autres propositions de loi, l'une des radicaux, l'autre des républicains, vont dans le même sens. Je salue le travail et la sagesse de notre rapporteur. Vous allez nous dire, monsieur le ministre, que la loi doit être appliquée - mais pourquoi pas le faire intelligemment, même si ce n'est pas l'habitude de la technocratie...

Vous allez nous dire, monsieur le ministre : « la loi de la République doit être appliquée quoi qu'on en pense ». Certes, mais n'est-il pas encore meilleur d'appliquer intelligemment la loi ? N'est-il pas de notre devoir de législateurs - et vous le fûtes - d'améliorer la loi ?

Pourquoi cela ne se passe pas bien ? Parce que le Gouvernement, et son exécutant, votre prédécesseur, a voulu passer en force en brutalisant les élus locaux. Ordre fut donné aux préfets de fabriquer des intercommunalités les plus grosses possibles, bien au-delà du seuil de 15 000 habitants et en piétinant l'accord conclu avec le Sénat sur les dérogations à 5 000 habitants, possibles dans 57 départements, jetées aux oubliettes par les préfets.

C'est ça la stricte vérité ! Cette réforme traduit les propositions, non des élus de la République, mais encore une fois, de la haute fonction publique, du fameux rapport de Terra Nova, et de celui de 2014 de Mme la commissaire générale à l'égalité des territoires qui écrivit à vos prédécesseurs : « il faut raisonner en territoire vécu.... L'objectif est de limiter le nombre d'EPCI, pour augmenter leurs atouts. Un nombre inférieur à 1 000 (2 108 actuellement) semble une bonne cible... La loi devra être très restrictive sur les exceptions de taille... ». J'en passe et des meilleures !

Le vrai but : de très grandes régions, avec de grands EPCI, la suppression des départements et in fine du Sénat !

Lorsqu'il s'agit de gagner du temps sur l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes on fabrique un référendum. Lorsqu'il s'agit de la réforme territoriale, le Gouvernement passe en force, au motif que, s'il consultait les élus, les réponses de ces derniers seraient négatives !

Monsieur le ministre, nous avons combattu ensemble contre ces textes. Nous avons pensé, peut-être à tort, qu'avec son intuition profonde le chef de l'État avait considéré que vous étiez le mieux à même d'appliquer ces lois avec la sagesse d'un élu local d'expérience, la capacité de concilier les objectifs de l'exécutif avec les réalités du terrain et les difficultés des élus de nos territoires.

Avec cette proposition de loi nous vous offrons le moyen de tendre la main aux collectivités sans renier votre engagement au sein du Gouvernement.

Je ne saurais conclure sans citer le « discours pour la liberté » de Clemenceau : « Dans la République, la liberté c'est le droit commun de chacun et l'autorité ne peut être que la garantie de la liberté de chacun ; malgré vous, je demeure solidaire de mon parti à condition qu'il représente nos idées, et si mon parti abandonne pour un moment ces idées, je continuerai, fussé-je seul à les défendre !» (Applaudissements sur les bancs du RDSE, au centre et à droite)

 

Mon intervention dans la discussion générale au nom du groupe RDSE :

Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi présentée par le groupe du RDSE pourra-t-elle aider les élus locaux à adapter aux territoires les nouvelles intercommunalités, créées pour respecter les seuils de la loi NOTRE ?

Mme Françoise Laborde. Nous en sommes convaincus, car nous leur proposons, s’ils le souhaitent, davantage de temps pour s’organiser.

Cette proposition de loi est le fruit des rencontres de terrain et des liens que nous avons, au quotidien, avec les élus. Je vous le promets, nous n’avançons rien sans vérification préalable.

Pour mener à bien la rationalisation des périmètres des intercommunalités, les schémas départementaux de coopération intercommunale ont été arrêtés le 31 mars 2016 et l’arrêté préfectoral fixant le périmètre de l’intercommunalité sera pris avant la fin de cette année. L’entrée en vigueur de cet arrêté définitif de périmètre est fixée par circulaire au 1er janvier 2017. Or, une fois les schémas validés dans les délais légaux, il est clairement nécessaire d’ouvrir la possibilité d’accorder un délai supplémentaire aux collectivités pour organiser administrativement et techniquement leur fusion. Nous n’imposons rien, nous rendons possible. Cela s’appelle accorder de la liberté. C’est ce dont ont le plus besoin les territoires et les élus locaux de ce pays.

La création de nouvelles intercommunalités issues de fusions se heurtera à des difficultés d’harmonisation et de gouvernance qu’il faut anticiper afin de permettre le succès ! La réorganisation prendra du temps, car les études d’impact budgétaires et fiscales des projets de périmètre ne pourront pas tout régler sur le terrain.

Le réagencement des compétences exercées par les communautés fusionnées, lequel passe par la mise en place des convergences entre les compétences communes ou la réintégration à une commune de certaines compétences très liées à un contexte local, soulèvera de lourdes questions administratives et financières que la collectivité devra gérer.

Concernant les ressources humaines, la réorganisation et l’harmonisation des conditions de travail des équipes administratives et techniques dans les nouvelles intercommunalités ne se régleront pas intégralement pendant la durée des consultations.

L’aménagement du territoire intercommunal et la répartition des services et des équipements sont autant d’éléments qui doivent également être anticipés.

De nombreux maires et présidents d’intercommunalité ont fait remonter, lors de diverses consultations, les difficultés réelles qu’ils rencontrent pour procéder à des simulations financières et à des audits dans les délais prévus, qui sont actuellement trop contraints. Or les fusions impliquent aussi de réfléchir à de nouveaux choix fiscaux, quand les intercommunalités fusionnées relèvent de régimes de fiscalité différents.

Enfin, la gouvernance de ces nouvelles intercommunalités et le choix de la répartition des sièges entre les communes membres de la nouvelle intercommunalité doivent être préparés minutieusement. Il faut être particulièrement vigilant à la participation effective des plus petites communes aux décisions prises par la nouvelle collectivité.

Ces quelques constatations corroborent l’idée que la fusion d’intercommunalités est une opération subtile et que des délais trop contraints peuvent remettre en cause des projets pertinents de fusion, paralyser l’action publique et s’avérer très coûteux. Je le dis, notre proposition de loi ne remet pas en cause la taille des communautés de communes ni l’application de la loi votée. Elle a pour objectif d’allonger le délai de mise en œuvre des nouvelles intercommunalités, si celles-ci le souhaitent.

Elle permettra aux CDCI de rendre possible le report d’un an de la date d’entrée en vigueur de l’arrêté définitif du préfet de mise en œuvre du schéma, date qui passera du 1er janvier 2017 au 1er janvier 2018. Simple question de bon sens !

Elle permettra également aux élus de préparer dans de bonnes conditions la mise en place, sur le terrain, des nouvelles intercommunalités issues de fusions, avant l’application de l’arrêté du préfet qui sera dans ce cas différé d’un an.

Il ne s’agit nullement de remettre à plus tard le règlement de cas de figure difficiles, comme certains ont pu le soutenir, mais bien d’utiliser ce délai facultatif pour préparer les changements majeurs que représente l’harmonisation des fiscalités, des compétences et des services. En effet, tout cela ne peut être totalement réglé durant une consultation de seulement quelques mois.

Par ailleurs, les consultations au sujet des projets d’arrêtés de périmètre pourront également aboutir plus facilement à des accords, grâce à la possibilité de délai ouverte par la proposition de loi, « goutte d’huile » apportée aux rouages de la négociation, pour reprendre les termes de M. le rapporteur.

Ne l’oublions pas, l’intercommunalité, coopérative de communes, est un outil. Par conséquent, c’est un devoir de laisser les élus mener à leur terme leur réflexion sur l’organisation technique et administrative de cet outil. Il est également important de créer – ou de recréer – un climat de confiance avec eux, en leur redonnant le droit à la réflexion ! Nous souhaitons ainsi assurer le renforcement de l’action et du fonctionnement des nouvelles intercommunalités.

Sans fine réflexion sur l’organisation de la gouvernance ou des compétences, il est impossible de mener à bien les missions pour lesquelles a été créée l’intercommunalité. En adoptant ce texte, la Haute Assemblée défendra une nouvelle fois une certaine conception de la démocratie locale, fondée sur la confiance et la responsabilité de chacun, mais surtout sur la liberté des élus locaux de ce pays. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

 

Scrutin

À la demande du groupe RDSE, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°200 :
Nombre de votants     343
Nombre de suffrages exprimés     322
Pour l'adoption     203
Contre     119

Le Sénat a adopté.

 

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