Enseignement scolaire - Projet de loi de Finances pour 2015
Le 4 décembre, Françoise Laborde est intervenue dans la discussion générale lors de l'examen des crédits Enseignement scolaire du projet de loi de Finances pour 2015.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’école se trouve dans une situation de crise majeure : 20 % des élèves de quinze ans ne maîtrisent pas les connaissances de base en mathématiques et en français ; 150 000 élèves sont abandonnés chaque année en situation d’échec.
S’ajoute à cela, comme le montre le dernier rapport PISA, que, loin de parvenir à réduire les inégalités sociales, le système éducatif français les accentue !
Ainsi, la réussite scolaire des élèves n’a jamais été aussi étroitement corrélée à leur origine sociale. Quel triste désaveu pour l’école de la République, qui, à l’origine, est censée être un facteur d’émancipation et d’ascension sociale.
Tel est le bilan de dix années de politique de casse des services publics, dont celui de l’éducation nationale, sacrifiés sur l’autel de la prétendue rationalisation de l’action publique défendue par l’ancienne majorité.
La qualité de notre service public d’éducation est pourtant déterminante pour donner à notre pays la capacité et les moyens de relever les défis de la lutte contre le chômage, notamment chez les jeunes, de la réduction des inégalités sociales, de la restauration de la cohésion nationale au travers de l’apprentissage de la citoyenneté et des valeurs de la République.
Dès 2012, le Gouvernement s’est attaché à redonner durablement à l’école les moyens de remplir sa mission. Madame la ministre, nous constatons avec satisfaction que, pour la troisième année consécutive, la priorité donnée à l’enseignement scolaire se traduit dans la politique budgétaire du Gouvernement.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
Mme Françoise Laborde. La progression d’environ 2 % des crédits de la mission « Enseignement scolaire », ainsi portés à 64,9 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 65,02 milliards en crédits de paiement, ainsi que l’augmentation des moyens humains qui lui sont affectés, montre la volonté du Gouvernement, que je salue, de se donner les moyens de mener une politique éducative ambitieuse.
Dans le temps qui m’est imparti, je m’intéresserai à trois points.
Tout d’abord, j’évoquerai la formation des enseignants. En cohérence avec l’objectif des 60 000 créations de poste dans l’éducation nationale sur le quinquennat, le projet de loi de finances pour 2015 tend à prévoir 9 421 postes supplémentaires, dont 5 334 d’enseignant.
L’amélioration de l’encadrement des élèves est une condition essentielle pour refonder une école permettant la réussite de tous.
Pour autant, et sans surprise, l’actuelle majorité sénatoriale y est opposée. À cet égard, est-il utile de rappeler que, sous le précédent quinquennat, cette même majorité avait supprimé pas moins de 80 000 postes dans l’éducation nationale ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Vous en avez créé 60 000 et cela marche encore moins !
Mme Françoise Laborde. Par ailleurs, la formation professionnelle des enseignants avait été purement et simplement supprimée, au détriment de la réussite scolaire des élèves. Cette mesure avait été décidée sous couvert d’économies, alors que les dépenses d’éducation, dépenses d’avenir, s’accroissent partout dans le monde !
La loi pour la refondation de l’école de juillet 2013 est heureusement revenue sur cette aberration, en créant les écoles supérieures du professorat et de l’éducation, ou ESPE.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
Mme Françoise Laborde. Celles-ci assurent une formation initiale et continue de qualité pour les personnels de l’enseignement et de l’éducation, formation qui comprend aussi bien des enseignements théoriques et pratiques que l’acquisition de compétences professionnelles, en particulier grâce à des stages et à l’intervention de professionnels exerçant dans le milieu scolaire et éducatif.
Ensuite, il est un autre point important de la réussite éducative qui me tient à cœur : l’orientation. La loi pour la refondation de l’école a également été l’occasion de repenser notre système d’éducation et d’orientation afin de favoriser les parcours choisis et construits. Il est en effet primordial que chaque élève puisse se voir proposer, et ce à chaque étape de sa scolarité, dès son plus jeune âge, un parcours individuel d’information, d’orientation et de découverte du monde professionnel.
Aujourd’hui, en fin de troisième, 65 % des élèves sont envoyés en seconde générale et technologique, et 32 % en seconde professionnelle ou en CAP. De plus, les décisions d’orientation ne sont pas à l’abri des inégalités sociales. Ainsi, lorsque 89 % des enfants de cadres sont orientés en seconde générale et technologique, seuls 36 % des enfants d’inactifs et 43 % des enfants des employés de service le sont.
Aussi, nous nous félicitons qu’avec la mise en place du service public régional de l’orientation, le SPRO, par la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, l’orientation des élèves soit devenue une politique à part entière. Enseignants, conseillers d’orientation et familles seront désormais pleinement associés pour accompagner l’élève dans ses choix d’avenir.
Enfin, le dernier point de mon intervention, que vous attendiez, me semble-t-il, madame la ministre, concerne la morale laïque.
La République française s’est construite autour de et par son école. C’est pourquoi le président François Hollande veut « refonder l’école de la République, pour refonder la République par l’école ».
Madame la ministre, à une semaine de la journée nationale de la laïcité, je souhaite vous interroger sur un sujet auquel les radicaux de gauche sont particulièrement attachés.
M. Jean-Louis Carrère. Pas qu’eux !
Mme Françoise Laborde. Je le sais, monsieur Carrère. (Sourires.)
En 2012, Vincent Peillon, alors ministre de l’éducation nationale, avait annoncé qu’il souhaitait mettre en place un enseignement de la morale laïque, qui serait dispensé dès le primaire, et ce jusqu’au lycée.
En juillet dernier, le Conseil supérieur des programmes a présenté ses propositions sur ce qui est devenu l’enseignement moral et civique. Cet enseignement constituera une matière à part entière, qui sera dispensée, à raison d’une heure par semaine, de l’école au lycée, et évaluée dès la rentrée 2015.
Or, madame la ministre, je regrette que, sur les sept points développés dans le programme, le terme « laïque » n’apparaisse qu’une seule fois. Aussi, je vous remercie de bien vouloir nous donner des précisions sur les origines d’un tel changement d’orientation et sur la manière dont vous comptez poursuivre votre action.
Vous comprendrez mon inquiétude : comment gérer l’enseignement religieux en Alsace-Moselle avec l’enseignement moral et civique ? Mon choix est fait, et j’espère que le vôtre sera identique.
En outre, l’enseignement du fait religieux recommandé par un récent rapport d’information sénatorial qui suscite en moi une certaine réticence exige d’être considéré avec attention et en intégrant ce qui doit être dit ou appris dans l’enseignement moral et civique. Notre école publique doit rester laïque ; elle doit garantir les valeurs de la République et constituer un lieu où tous les enfants sont protégés, quelles que soient leur origine et leur religion. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)
Madame la ministre, mes chers collègues, le groupe du RDSE constate avec satisfaction que le Gouvernement, malgré un contexte budgétaire contraint, mobilise les moyens financiers et humains nécessaires à faire de l’école de la République un puissant moyen d’émancipation sociale et d’apprentissage du vivre ensemble. C’est pourquoi nous voterons les crédits de cette mission, sous les mêmes réserves que celles qu’a exposées ma collègue Marie-Christine Blandin et en espérant que les amendements ne transformeront pas le fond de la mission « Enseignement scolaire » de ce projet de loi de finances. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner.