Clarifier diverses dispositions du droit électoral

Clarifier diverses dispositions du droit électoral

Je suis intervenue au Sénat dans la discussion de la proposition de loi visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral, jeudi 2 mai 2019.

 

 

C'est au nom du groupe RDSE que j'ai pris la parole, dans l'hémicycle, pour exposer les raisons de notre sutien à ce texte présenté par le sénateur Alain Richard.

 

Texte intégral de mon intervention :

 

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Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Mes chers collègues,

L’adaptation des règles électorales aux difficultés ou évolutions constatées lors de leur mise en œuvre est toujours utile pour la vitalité démocratique. Lorsque les fonctions électives sont fragilisées, comme on le constate aujourd’hui, cette adaptation devient impérative.

En ce sens, l’initiative de notre collègue Alain Richard, prise à la suite de la publication en février dernier, des observations du Conseil constitutionnel relatives aux élections législatives des 11 et 18 juin 2017, est particulièrement bienvenue. Il faut d’ailleurs souligner sa grande réactivité. Les membres du groupe RDSE regrettent que le pouvoir réglementaire ne mette pas autant d’ardeur à prendre des décrets d’application une fois la loi adoptée !

L’ensemble des modifications proposées, qu’il s’agisse de la simplification des règles comptables s’appliquant aux candidats, de la clarification des règles de propagande électorale ou encore de l’adaptation du point de départ des décisions d’inéligibilité, aux réalités des procédures contentieuses, nous semble aller dans le bon sens. Les amendements introduits par notre rapporteur modifient certains points techniques du texte sans en trahir l’esprit. C’est pourquoi nous sommes a priori favorables à son adoption.

En effet, chacun conviendra ici que l’annulation d’une élection par le juge n’est jamais satisfaisante, laissant planer une ombre de discrédit sur l’ensemble des élus. Pour autant, cette initiative rappelle à nos concitoyens que les candidats à une élection s’exposent à une grande insécurité juridique, du fait de la complexité des règles électorales mais aussi de l’incertitude de l’issue du scrutin qui conditionne les obligations qui leur seront applicables.

C’est, par exemple, le cas des règles de contrôle des comptes de campagne. Dès lors qu’une dérogation existe en dessous du seuil de 1%, selon les règles actuelles, on comprend que des petits candidats, ayant peu d’espoir sur l’issue du scrutin, ne prennent pas toutes les précautions nécessaires pour se mettre en règles, tant ces régularisations comportent un coût non négligeable.

D’autres notions, aux contours incertains, car strictement jurisprudentiels, comme celle de « dépense électorale », rendent leur aptitude à se conformer aux règles en vigueur plus incertaine. Notre collègue Josiane Costes a d’ailleurs déposé des amendements de clarification en ce sens.

Ainsi, les irrégularités constatées par le juge sont moins révélatrices de la faible moralité des candidats que de la complexité des règles applicables. Certains vont même jusqu’à considérer que ces règles forment une barrière d’entrée décourageante pour les candidats les moins bien conseillés, et qu’elles accaparent une partie du temps qu’ils pourraient mettre utilement à profit de l’élaboration de propositions au contact de leurs électeurs. Elles sont cependant incontournables dans le cadre d’un financement à majorité public de la vie politique française, dès lors que tout engagement de deniers publics doit être justifié.

Leur renforcement, depuis 1995, a d’ailleurs pour objectif d’assainir le financement de notre vie démocratique et de prévenir l’influence de puissances financières ou étrangères sur l’issue des suffrages. De nombreux Etats européens disposent d’ailleurs d’une législation comparable et ont été amenés à en renforcer la transparence, sous l’influence notable du Conseil de l’Europe.

Mais plusieurs voix s’élèvent contre le régime de financement actuel, pour proposer des systèmes alternatifs comme, par exemple, la création d’une « banque de la démocratie » ou le passage à un financement strictement privé et transparent comme au Royaume-Uni. Au contraire, d’autres proposent le renforcement du financement public, avec un rapprochement de l’encadrement des dons des particuliers, considérant que dans leur écrasante majorité les Français n’ont pas les moyens de donner 7500 euros à la formation politique de son choix.

Une réflexion globale sur le sujet pourrait s’engager en parallèle de la réforme des institutions, en cours de préparation. Ce questionnement est légitime car, comme l’estiment certains économistes, le financement de la vie politique coûterait 32 euros par an à chaque Français, par le biais des impôts.

Mais la nécessité de simplification et d’adaptation du code électoral à l’évolution des attentes de nos concitoyens dépasse les seules dispositions du texte adopté par la commission des lois, le grand nombre d’amendements déposés pour la séance en témoigne. C’est peut-être le seul regret que nous exprimons à ce stade : que la grande réactivité de notre collègue ne nous permette pas de conduire un travail plus approfondi de toilettage.

Cette initiative aurait par exemple pu être l’occasion d’analyser les défauts de l’encadrement du cumul des mandats, en particulier le sort des suppléants, pour lesquels aucune disposition n’a été prévue pour qu’ils retrouvent leurs fonctions initiales à la fin de leur suppléance.

Les amendements de notre collègue Jean-Pierre Corbisez visent également à alerter sur la question des « candidats TGV », c’est-à-dire ceux qui participent à des élections sur des territoires avec lesquels il ne partagent aucun lien, ni effectif, ni affectif. Ce phénomène est actuellement rendu possible par la trop grande panoplie des pièces admises à prouver sa résidence dans une commune par les services de l’Etat.

Cela me permet de rappeler les défaillances du contrôle préfectoral sur l’organisation des élections, problème sur lequel le groupe RDSE a déjà insisté par le passé. Tant qu’il ne sera pas renforcé, il sera plus difficile de faire respecter les décisions d’inéligibilité, ou la suspension du droit de vote pour les personnes dont l’altération de l’entendement a été actée par une décision d’incapacité.

Enfin, lors de l’examen de ce texte, certains amendements pourraient nous faire revenir sur notre position favorable, s’ils étaient adoptés, comme par exemple celui proposant de modifier la règle de découpage des circonscriptions électorales, rejeté en commission. Nous restons en effet favorables à ce que ces dernières restent découpées à partir de la population et non du nombre d’électeurs.

Je vous remercie."