Avenir de la filière aéronautique et spatiale

Avenir de la filière aéronautique et spatiale

Je suis intervenue au Sénat dans le débat sur l'avenir industriel de la filière aéronautique et spatiale face à la concurrence. Une question primordiale pour l'emploi en région Midi-Pyrénées !

Texte intégral prononcé à la tribune le mardi 12 mai 2015 :

Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avant de commencer, je tiens, au nom des sénateurs du RDSE, à saluer la mémoire des 150 victimes du crash aérien survenu le 24 mars dernier, date à laquelle devait initialement se tenir ce débat.

Un nouveau drame impliquant un appareil militaire s’est malheureusement déroulé à Séville, samedi dernier, faisant de nouvelles victimes. Nos pensées vont vers toutes les familles endeuillées.

Les deux industries, aéronautique et spatiale, qui font l’objet de notre débat, ce jour, ont en commun d’être deux filières d’excellence, dans lesquelles la France, notamment au travers de projets européens, jouit d’un leadership et d’une expertise certaine. Les deux connaissent également un développement exponentiel. Ainsi, le trafic aérien a doublé depuis quinze ans et doublera encore d’ici à 2030.

L’espace, surtout l’aéronautique, concerne non seulement quelques grands groupes, mais également tout un tissu d’entreprises de taille intermédiaire et de PME, équipementiers et sous-traitants.

Dans certaines régions, je pense naturellement à l’Aerospace Valley, entre Aquitaine et Midi-Pyrénées, ces industries sont un moteur du développement. La métropole toulousaine fait figure de capitale de l’air et de l’espace, mais je n’oublie pas qu’en Ariège, par exemple, ces secteurs emploient plus de 3 000 personnes.

Par essence, les deux filières sont soumises à la concurrence internationale. Ces dernières années, cependant, de nouveaux acteurs sont apparus, issus principalement des pays émergents.

Dans le peu de temps dont je dispose, mes chers collègues, j’ai choisi d’attirer votre attention sur trois enjeux actuels, dont l’impact ne saurait être négligé.

Le premier concerne le secteur aéronautique civil. Dans le transport aérien, la croissance des compagnies à bas coûts a bouleversé le marché. De même, l’émergence de compagnies issues des pays du Golfe inquiète, notamment à cause des subventions déguisées que celles-ci reçoivent de leurs États.

Monsieur le secrétaire d’État, à l’occasion du débat qui s’est tenu ici même, le 5 février dernier, sur le thème de la transparence dans le transport aérien, vous avez réaffirmé que les autorités françaises n’accordaient plus aucun droit de trafic à ces compagnies. Le 13 mars, lors d’un conseil des ministres des transports de l’Union européenne, les représentants de l’Allemagne, qui a cependant passé des accords « ciel ouvert », et de la France ont demandé la mise en place d’une stratégie commune, proposant de soumettre toute ouverture de droits de trafic au contrôle de ces entreprises.

Sans méconnaître les pratiques de ces compagnies ni remettre en cause l’ambition d’instaurer une concurrence non faussée dans le secteur du transport aérien, nous nous interrogeons sur l’efficacité d’une telle stratégie, d’autant qu’elle s’applique aussi à d’autres compagnies hors Union européenne.

Au niveau communautaire, si certains pays se retrouvent sur notre ligne, d’autres, notamment le Royaume-Uni, ont une politique plus conciliante. En accordant plus de droits de trafic, ils bénéficient d’une fréquentation accrue, avec des effets en termes d’affluence touristique et de développement des structures aéroportuaires.

Plus grave encore, ces compagnies, dont la croissance est rapide, procèdent à de nombreux achats d’appareils. Dans ce contexte, et connaissant les subtilités des marchés de l’aviation civile, il serait préjudiciable que les entreprises françaises et européennes pâtissent de cette politique intransigeante et perdent d’importants marchés au profit d’autres groupes, américains par exemple.

Le deuxième enjeu concerne le secteur spatial, qui est également soumis à une reconfiguration d’acteurs. Sont en effet apparus, depuis moins de dix ans, des lanceurs à faible coût pouvant mettre sur orbite des satellites à prix cassés. C’est le cas aux États-Unis, qui renouent avec une politique spatiale ambitieuse, comme en témoigne le développement de la société SpaceX, ou dans des puissances comme la Chine, avec son lanceur « Longue Marche », l’Inde ou encore la Russie. En réaction, les membres de l’Agence spatiale européenne ont décidé, à la fin de 2014, d’acter le programme Ariane 6, pour conforter la position de leader de l’Europe en matière de lanceurs commerciaux.

En conséquence, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer quelle sera la feuille de route du Comité de concertation État-industrie sur l’espace, et comment cette entité entend favoriser la coopération entre les trois grands groupes français du secteur que sont Thalès Alenia Space, Safran et Airbus Defence and Space, notamment depuis la joint-venture entre les deux derniers ?

Enfin, et c’est le troisième enjeu que je souhaite aborder, il est évident que l’avenir industriel de ces deux filières passe par une politique de recherche et de développement ambitieuse et soutenue. À ce titre, les 34 programmes de la Nouvelle France industrielle, dont certains touchent l’aéronautique et l’espace, constituent l’un des leviers privilégiés de cette politique, en associant les grands groupes, les ETI et les PME.

C’est dans ce cadre qu’a été développé le prototype de l’avion électrique E-Fan par Airbus Group en Charente Maritime. Cet aéronef traversera la Manche, en juin prochain, plus de cent ans après Louis Blériot.

Cependant, alors que le Président de la République a annoncé une nouvelle levée de fonds pour le grand emprunt, le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique et le Commissariat général à l’investissement s’apprêtent à faire un tri au sein des différents programmes. Aussi, monsieur le secrétaire d’État, concernant les secteurs industriels en débat cet après-midi, pouvez-vous nous indiquer les orientations qui seront privilégiées dans le choix de ces programmes ?

Nous pouvons également citer, parmi les efforts d’innovation dans le domaine aéronautique, les projets du Conseil pour la recherche aéronautique civile, le CORAC. Pour rappel, parmi ces derniers figurent des axes de recherche et de développement à court et moyen termes : systèmes embarqués dans les cockpits, satellites à propulsion électrique ou augmentation des matériaux composites dans les avions, afin de les rendre plus légers et plus sobres énergétiquement.

La course à l’innovation ne connaissant pas de pause, la France, si elle veut continuer à être à la pointe des techniques et du savoir-faire, doit donc investir massivement. Elle ne pourra le faire que sous l’impulsion et avec la coordination d’un État stratège. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)