La Laïcité - notre socle républicain

La Laïcité - notre socle républicain

A l'occasion de la Journée de la Laîcité, chaque 9 décembre, j'ai cosigné la tribune parue dans Le Monde avec C. Fourest, L. Bouvet et mes collègues parlementaires L. Rossignol, B. Belhaddad, A. Bergé, F. Cormier Bouligeon, S. El Haïry, Y. Jego, pour rappeler que la laïcité est le socle de notre République.

Tribune parue dans Le Monde, le vendredi 8 décembre 2017 :

« La laïcité, notre socle républicain »

Dans une tribune au « Monde », un collectif qui réunit, entre autres, la sénatrice (PS) Laurence Rossignol, l'essayiste Caroline Fourest et la députée (LREM) Aurore Bergé, exprime son inquiétude face aux menaces qui pèsent sur la laïcité. Collectif

Tribune. La laïcité est un enjeu politique. Nos concitoyens y sont à la fois très attachés - 90 % d'entre eux considèrent qu'elle est une « valeur essentielle de la République française » - et inquiets des menaces qui pèsent sur elle - 74 % considèrent qu'elle est « menacée aujourd'hui en France ».

Cette préoccupation est légitime, et ses causes sont nombreuses.

Elle résulte des mutations en profondeur de la société française : effacement des spécificités des modèles nationaux dans la mondialisation, revendications identitaires et communautaires multiples, montée du fondamentalisme religieux, résistances à l'émancipation des citoyens.

Comment certains ont-ils pu si vite renoncer à « être Charlie » ? Comment peuvent-ils partager des estrades avec ceux qui ne tolèrent les femmes dans l'espace public qu'à la condition qu'elles cachent leurs corps ?

Elle émane aussi des manipulations auxquelles se livrent à leur propos certains acteurs politiques ou de la société civile : détournement de son principe à l'encontre d'une seule religion, contestations ouvertes des lois de la République par certaines associations, volonté d'affubler la laïcité de nombreux qualificatifs « positive », « ouverte », « apaisée »... Au fond, tout oppose ceux qui mettent ainsi en cause, détournent, instrumentalisent la laïcité : seule leur contestation de la République et de ses valeurs les rassemble.

En ce 9 décembre, jour anniversaire de la loi de 1905 [sur la séparation des Eglises et de l'Etat], nous disons avec force notre attachement à ce qui est pour nous bien plus qu'une règle juridique, un fondement philosophique et politique de notre république, un indispensable repère tant de l'action publique que de notre citoyenneté au quotidien.

Dévoiements et débordements

La laïcité permet la liberté de conscience de chacun, et pour ceux qui croient, le libre exercice de leur culte. Elle protège la République, et les femmes et hommes qui vivent sur son sol, de toute emprise religieuse en imposant à l'Etat, à ses institutions et à ses agents une stricte neutralité dans l'exercice de leurs fonctions. C'est un bouclier et un socle sur lequel nous pouvons construire notre « commun » républicain. Dès lors, nul ne peut prétendre imposer à quiconque sa croyance ou ses usages, et nul ne peut contraindre quiconque à obéir à une autre loi que celle de la République.

C'est précisément pourquoi nous devons rester à la fois fermes et vigilants face aux dévoiements et débordements que subit aujourd'hui ce principe qui devrait nous rassembler.

Comment peut-on laisser faire ceux qui, sans cesse, testent les limites de notre République dans le but d'imposer leur propre loi religieuse ? Comment certains ont-ils pu si vite renoncer à « être Charlie » ? Comment peuvent-ils pétitionner et partager des estrades avec ceux qui ne tolèrent les femmes dans l'espace public qu'à la condition qu'elles cachent leurs corps plutôt qu'avec ceux qui se battent pour leur liberté et l'égalité des droits ?

La laïcité, dans les textes comme dans les têtes, ne saurait se résumer à une simple tolérance pour les différences religieuses ou à la gestion pacifiée de la coexistence des cultes. Cela nous conduit tout droit à un relativisme culturel mortifère, à rebours, en tout cas, de cette exigence républicaine.

L'exigence de neutralité

La laïcité protège l'école où la loi de 2004 sur l'interdiction des signes religieux ostentatoires permet de former les jeunes consciences à distance de l'influence des prosélytismes.

La laïcité protège les services publics, les collectivités territoriales et les hôpitaux où les crèches de Noël, par exemple, n'ont pas leur place. Chacun doit pouvoir se sentir chez soi au sein de nos services publics, l'exigence de neutralité en est une des conditions.

La laïcité doit nous permettre de ne pas céder à certaines tentations, ni à celle des accommodements plus ou moins raisonnables avec un quelconque culte, ni à celle du rejet oublieux de tout lien avec notre passé et à la négation de la longue histoire française. La laïcité n'est pas l'effacement du fait religieux ou des religions, pas plus qu'elle n'est la volonté de mettre en oeuvre une nouvelle religion, civile ou athée, qui viendrait emplir l'espace public de ses préceptes contre ceux des autres cultes ou croyances.

La laïcité est bien ce formidable régime de liberté, au sens politique du terme, hérité des Lumières et forgé historiquement dans la lutte contre l'obscurantisme autant que contre le poids que les différentes croyances font peser sur l'individu moderne, entravant la maîtrise de son destin d'homme ou de femme libre.

A nous de la faire vivre, fidèles à ce qu'elle nous a apporté et conscients de ce qu'elle a, plus que jamais, à nous offrir.

Les signataires : Aurore Bergé, députée (LREM); Belkhir Belhaddad, député (LREM); Laurent Bouvet, universitaire; François Cormier-Bouligeon, député (LREM); Sarah El Haïry, députée (Modem); Caroline Fourest, essayiste; Yves Jego, député (UDI); Françoise Laborde, sénatrice (PRG); Laurence Rossignol, sénatrice (PS).

Collectif

 

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