Résilience alimentaire et sécurité nationale en question
J'ai interpelé aujourd'hui, jeudi 16 mai 2019, le ministre de l'Intérieur au Sénat en séance de question d'actualité sur la problématique de la Résilience alimentaire et de la sécurité nationale.
Voici le texte intégral de ma question :
"Ma question s’adresse à M. le Ministre de l’Intérieur,
Les scandales sanitaires récurrents placent la question du «Bien manger» au cœur des enjeux de santé publique. Un pan du sujet n’est jamais évoqué : l’articulation entre ordre public et continuité alimentaire.
Par le passé, notre modèle agricole reposait sur le foncier nourricier et sur un aménagement du territoire local multifonctionnel. La sécurité alimentaire était une préoccupation des élus.
Aujourd’hui, production et consommation ne sont plus territorialisées, même les zones rurales sont alimentairement vulnérables, perfusées par le ballet des camions de la grande distribution.
A l’heure des cyberattaques, du dérèglement climatique et du terrorisme, production et approvisionnement alimentaires ne sont pas analysés comme risque stratégique. Des signaux nous alertent pourtant. La moindre annonce de blocage routier vide les magasins avant toute pénurie, provoquant même des émeutes comme il y a peu en Outre-Mer.
En cas de force majeure, le déficit en capacité de subvenir localement à l’un de nos besoins primaires, celui de se nourrir, est flagrant, les populations ne sont pas préparées.
Assurer un niveau minimum de sécurité d’approvisionnement alimentaire est un devoir pour les autorités qui devraient pouvoir garantir une chaîne résiliente, allant du foncier agricole nourricier jusqu’au consommateur. Cela doit nous interroger sur la souveraineté et la sécurité nationales, articulées autour des biens communs alors que les pouvoirs publics perdent peu à peu la main sur des infrastructures d’intérêt vital comme les aéroports, le foncier agricole ou la gestion de l’eau. Il est urgent de s’en préoccuper.
Pouvez-vous nous préciser Monsieur le Ministre si cette question fait l’objet d’une réflexion dans votre ministère ou au Secrétariat Général de la Défense et de la Sécurité Nationale ?
Je vous remercie."
Réponse du ministère de l'intérieur publiée dans le JO Sénat du 17/05/2019 - page 6535
M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice Laborde, vous m'interrogez sur la stratégie qui serait déployée pour garantir la sécurité alimentaire en cas de trouble grave à l'ordre public. C'est une question dont la probabilité est faible, mais dont le risque est majeur.
Permettez-moi d'évoquer ce que nous faisons en matière de gestion de troubles graves liés à des catastrophes naturelles. C'est évidemment ce modèle que nous pouvons mettre en œuvre en cas de trouble grave à l'ordre public.
Lors des catastrophes naturelles, vous le savez, la chaîne d'approvisionnement est prise en compte immédiatement dans le cadre des plans ORSEC. Les préfets agissent dans ce cadre sous le pilotage du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, pour garantir le bon approvisionnement. Un plan d'action spécifique est mis en œuvre immédiatement pour l'accès à l'eau potable, l'alimentation, l'énergie électrique, les communications électroniques, le gaz et les hydrocarbures. Des contacts réguliers ont lieu entre les différents opérateurs à ce propos.
C'est ce plan d'urgence que nous avons mis en place aux Antilles lors du passage de l'ouragan Irma : 4 millions de litres d'eau et 375 tonnes de denrées avaient été distribués en urgence pour subvenir aux besoins de la population en détresse. Un travail immédiat avait été engagé avec l'armée pour garantir l'accès à l'alimentation et à l'eau potable, mais aussi avec les opérateurs, notamment Orange et EDF.
Dans le cas de troubles à l'ordre public, il peut arriver que les points d'approvisionnement soient visés. Là encore, nos forces de sécurité intérieure ont fait la démonstration de leur capacité à libérer ces points quand cela était nécessaire, sans pour autant provoquer de tensions extrêmement graves. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Cette question fait écho à une problématique de sécurité nationale que je développe dans la proposition de résolution n° 588 dont je suis l'auteure et que j'ai déposée devant le Sénat.
Elle sera discutée en séance, le 12 décembre prochain, dans la niche d'initiative parlementaire consacrée à mon groupe, le RDSE.
- Texte intégral de ma proposition de résolution n°588 déposée au sénat le 20 juin 2019.
- dossier législatif
Ma proposition de résolution n°588 a été présentéee à la presse le 2 juillet 2019, en présence plusieurs de mes collègues sénateurs membres du RDSE dont M. Joël;LABBE, Mireille JOUVE et Ronan DANTEC, ainsi que de M. Stéphane LINOU auteur d'un master éponyme et de l'ouvrage : "Résilience alimentaire et sécurité nationale" avec lequel je travaille sur cette problématique.
- Communiqué de presse - 2 juillet 2019 - Résilience alimentaire des territoires et sécurité nationale
Les scandales sanitaires récurrents placent la question du bien manger au coeur des enjeux de
santé publique sans pourtant évoquer un pan entier du sujet : l'articulation entre ordre
public et continuité alimentaire. Alors qu'autrefois, notre modèle agricole reposait sur le
foncier nourricier et sur un aménagement du territoire local multifonctionnel, aujourd'hui,
production et consommation ne sont plus territorialisées. Même les zones rurales sont
« alimentairement » vulnérables, perfusées par le ballet des camions de la grande distribution.
À l'heure des menaces plurielles : cyberattaques, dérèglement climatique, accaparement des
terres agricoles, terrorisme, la production et l'approvisionnement alimentaires ne sont pas
analysés en terme de risques stratégiques. En cas de force majeure, le déficit en capacité de
subvenir localement à l'un de nos besoins primaires, celui de se nourrir, est flagrant. Les
populations ne sont pas préparées.
Pour lancer l'alerte, j'ai décidé de déposer une proposition de résolution sur la résilience
alimentaire des territoires et la sécurité nationale, qui détermine les conditions dans
lesquelles il serait possible d'assurer un niveau minimum de sécurité
d'approvisionnement alimentaire.
Les autorités de notre pays devraient pouvoir garantir une chaîne résiliente, allant du foncier
agricole nourricier jusqu'au consommateur, en passant par les questions de souveraineté et de
sécurité nationales, articulées autour des biens communs. Il n'est pas envisageable que les
pouvoirs publics perdent peu à peu la main sur des infrastructures d'intérêt vital comme les
aéroports, le foncier agricole ou la gestion de l'eau. Il est urgent de s'en préoccuper.
Ce texte est présenté à la presse ce jour en présence de M. Joël Labbé, co signataire,
Sénateur du Morbihan, membre du groupe RDSE et de M. Stéphane Linou auteur de
l'ouvrage Résilience alimentaire et sécurité nationale.
Il sera discuté au Sénat lors de la prochaine session parlementaire.
Françoise Laborde
auteure de la PPR n° 588
Sénatrice de la Haute-Garonne
Membre du groupe RDSE
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