La réforme des rythmes scolaires

Françoise Laborde est intervenue au Sénat, le 21 janvier 2014, contre une proposition de loi du groupe UMP, visant à affirmer la liberté de choix des maires dans l’organisation des rythmes scolaires dans l’enseignement du premier degré. 

Françoise Laborde est intervenue au Sénat, le 21 janvier 2014, contre une proposition de loi du groupe UMP, visant à affirmer la liberté de choix des maires quant à l’organisation des rythmes scolaires dans l’enseignement du premier degré. (proposition n° 116, résultat des travaux de la commission n° 281, rapport n° 280).

Alors qu'une Mission Commune d'Information a été mise en place par le Sénat, elle a jugé prématuré, dans la forme, de prendre une quelcquonque initative pour tirer les premières conclusions de la mise en place des rythmes scolaires.

 

 

Lire ses interventions lors de la séance du 21 janvier 2014 : interv1 & interv 2

Retrouver l'ensemble des travaux de la MCI sur la réforme des rythmes scolaires.

Lire l'intégralité de l'intervention de F. Laborde dans l'hémicyle lors de la discussion générale :

Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, au mois de décembre dernier, les résultats de l’enquête PISA pour 2012 plaçaient la France dans la moyenne des pays de l’OCDE et mettaient en lumière l’écart grandissant, depuis neuf ans, entre le niveau des élèves très performants et celui des élèves en difficulté.

Je ne souhaite pas accorder une importance excessive aux classements et j’estime pour ma part que la fatalité n’existe pas. Cependant, deux aspects de ces évaluations ont particulièrement attiré mon attention.

D’une part, le système éducatif français est devenu le plus inégalitaire après celui de la Nouvelle-Zélande, ce qui met à mal les principes fondamentaux sur lesquels nous avons bâti notre République, ainsi que notre système d’instruction, et auxquels, vous le savez, les radicaux sont profondément attachés.

D’autre part, les élèves français sont, semble-t-il, devenus anxieux. C’est le constat déjà souligné en 2010 par l’académie de médecine, lorsque celle-ci estimait que la semaine de quatre jours ne respectait pas les rythmes biologiques et psychophysiologiques naturels de l’enfant. Elle recommandait alors d’étaler les enseignements sur quatre jours et demi ou cinq jours.

Conformément au large consensus qui s’était dégagé en faveur de la réforme des rythmes scolaires, vous avez, monsieur le ministre, décidé d’agir en ce sens dès la rentrée 2013-2014, avec la création d’un fonds d’amorçage consacré par la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République et grâce aux aides de la Caisse nationale des allocations familiales.

Le nombre de jours d’enseignement est ainsi passé de 144 à 180 et se rapproche de la moyenne de l’OCDE, qui se situe à 187 jours. Cette meilleure répartition horaire des enseignements devrait contribuer au bien-être des élèves et réduire leur état de fatigue et d’anxiété.

Contrairement à ce que prétendent les détracteurs de la réforme, la concertation a eu lieu. Ce n’est donc pas sur ce fondement que peuvent s’appuyer les critiques. Les communes ont été associées, ne l’oublions pas, ce qui ne fut pas le cas en 2008, puisque le passage à la semaine de quatre jours s’était réalisé de manière quelque peu brutale, et pas toujours dans l’intérêt de l’enfant.

Les conséquences de la réforme des rythmes scolaires sont encore difficiles à évaluer en l’état. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle une mission commune d’information a été créée en octobre dernier à la demande du groupe UMP. Par respect pour les travaux en cours, il conviendrait d’attendre le rapport de cette commission et d’éviter toute précipitation.

Oui, des incidents ont été relevés dans certains établissements, notamment à Paris, il ne faut pas le nier. Il faut accorder du temps aux communes pour s’organiser, et elles y parviennent après une période de transition parfois complexe.

En Haute-Garonne, la plupart des communes avaient choisi de conserver, avec satisfaction, la semaine de quatre jours et demi. Au niveau national, nous avons connu la semaine de quatre jours et demi jusqu’en 2008. Nous pouvons donc y revenir.

Mme Maryvonne Blondin. Eh oui, ce n’est pas si lointain !

Mme Françoise Laborde. Évaluons avant de céder à la réticence au changement, car le système éducatif a besoin de stabilité et de sérénité.

Les obstacles sont aussi financiers. D’ailleurs, nous aurions davantage compris qu’une proposition de loi soit déposée dans l’intention de pérenniser le fonds d’amorçage après 2015.

Au lieu de proposer des réponses concrètes, les auteurs de la proposition de loi préfèrent de nouveau bouleverser notre système éducatif, sans imaginer un instant les effets néfastes que la liberté de choix des maires en matière d’organisation du temps scolaire pourrait avoir sur l’ensemble du territoire. Ils ont opté pour une remise en cause du principe de l’égalité républicaine.

Nos collègues se méprennent lorsque, par affichage et à la veille des élections municipales, ils oublient que l’éducation doit avant tout revêtir un caractère uniforme et national.

Ce service public national a, bien sûr, de fortes répercussions sur la vie locale, mais cela ne justifie aucunement que son organisation soit éclatée. Qu’est-ce que cela signifierait, mes chers collègues ? Que les élèves des communes riches bénéficieraient de journées plus clémentes et que ceux des communes défavorisées seraient pénalisés par des journées plus chargées ? N’est-on pas en train de proposer de revenir à la semaine de quatre jours ?

En outre, les auteurs du présent texte prétendent qu’il n’existe pas d’outil contractuel entre les collectivités territoriales et l’État, ce qui est faux, car les projets éducatifs territoriaux sont élaborés sur l’initiative des communes ou des EPCI et associent l’ensemble des acteurs éducatifs.

Mme Maryvonne Blondin. Exact !

Mme Françoise Laborde. Ils regrettent notamment une absence d’évaluation de la réforme, alors qu’un comité de suivi a été installé.

À ce titre, comment pourrait-on évaluer prématurément ce qui n’a été mis en place que partiellement ? Il faut attendre l’année scolaire 2014-2015 pour voir tous les élèves passer aux rythmes scolaires indiqués. Toutefois, d’ores et déjà, 83 % des communes qui appliquent la réforme seraient satisfaites.

Ainsi, nous ne pourrions approuver que les remarques qui se réfèrent à l’absence de pérennisation du financement, pérennisation dont dépend la faisabilité de la réforme sur le long terme, notamment pour les communes rurales.

Mes chers collègues, la proposition de loi que vous soumettez à notre examen aujourd’hui ne permet pas de répondre à ce problème, ni d’assurer la réussite et l’épanouissement des élèves.

Le Gouvernement a donné de nouvelles orientations pour réformer l’école. Il y consacre un effort budgétaire important, avec une préoccupation centrale : que l’enfant demeure au centre du système éducatif.

Ainsi, nous croyons que notre pays dispose de la capacité d’adaptation nécessaire pour améliorer les performances des élèves, réduire les inégalités sociales et les fractures territoriales.

À l’exception de quelques réticences ponctuelles et minoritaires, les communes savent faire preuve de volonté lorsque le changement va dans le bon sens. Tel est le cas de cette réforme des rythmes scolaires, qui n’est que l’un des piliers d’une vaste refondation, qui doit poursuivre son cours.

Par conséquent, le RDSE n’apportera pas son soutien à un texte d’affichage qui, au lieu de proposer une solution, engendrerait de nouveaux désordres et porterait ainsi préjudice à l’école et aux enfants de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)