Débats laïques - le 30 mars 2019 au Lucernaire

Débats laïques - le 30 mars 2019 au Lucernaire

A l'occasion de la deuxième édition de la conférence organisée par Débats laïques, à l'invitation de Gérard Delfau, le Directeur de cette collection, j'ai conclu les échanges de la matinée.

J'ai dressé les perspectives d'actions qui se présenteront, dans les prochaines semaines, notamment au niveau parlementaire, suite à l'annonce d'un projet de réforme de la loi de 1905, par le Président de la République, mais aussi de la nécessaire vigilance dans le cadre des conclusions du grand ébat national.

Pour la deuxième année consécutive, Débats laïques organisait un débat pour présenter les ouvrages qui composent la collection et, surtout, leurs auteurs qui étaient tous réunis à la tribune pour présenter leurs travaux.

Les échanges de cette matinée ont été très riches en qualité, apportant dans la sérénité des éléments de clarification et de réfléxion sur des sujets de société sensibles, notamment avec la table ronde sur la question éthique de la Fin de vie, droit à l’euthanasie : La France à la traîne. Jusqu’à quand ? et les témoignages de Nadia De Geerts, auteure de "L'après-midi sera courte" et de Jonathan denis secrétaire général de l'ADMD.

L'inteview de Ghaleb Bencheikh, nouveau président de la Fondation de l'islam de France, par Michel delmas a été retransmis, à visionner absolument :

 

Le témoignage de Marika Bret figure historique du journal staitrique Charlie hebdo, ainsi que les autres intervenants ont fait l'éloge de la "Laïcité, comme fondement républicain de la Liberté absolue de conscience. Un gage de paix civile, dans un monde ravagé par les guerres de religion" selon les mots de Gérard Delfau.

  • Texte de mon intervention au lucernaire le samedi 30 mars 2019 :

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Il y a un an Gérard, tu m’avais invitée ici même pour participer à la 1e édition des conférences de Débats
laïques et je n’avais pas pu y assister suite à la naissance de ma petite fille dénommée… Charlie, Charlie
c’est tout un symbole, voyez Marika Bret, je voulais faire cette transition personnelle pour démontrer que
les nouvelles générations elles aussi sont porteuses d’espoir.
Je suis ravie d’être présente aujourd’hui, devant une assemblée aussi nombreuse et je félicite toute
l’équipe pour cette réussite, en particulier Gérard et Pascal Hocante. Tout le travail accompli dans la
réflexion et sur le terrain par les intervenants que nous venons d’entendre, me conforte, merci à tous pour
votre courage et votre opiniâtreté malgré les obstacles. Merci Gérard de me donner l’occasion de conclure
cette matinée pour dresser les perspectives en matière de laïcité. De mon côté j’évoquerai ce que je
connais le mieux depuis mon élection en 2008, c’est à dire le travail parlementaire. J’en profite pour faire
un clin d’oeil à mon collègue Stéphane Artano, sénateur de Saint-Pierre-et-Miquelon, membre du groupe
RDSE, toujours très présent aux colloques concernant la laïcité.
Quelles perspectives se profilent sous l’angle législatif dans les prochains mois. Une fois de plus nous
sommes en pleine actualité nationale. Je ne ferai pas de périphrase, car beaucoup a déjà été dit, mais
face au retour des anti lumières et à la tribune que leur donnent les réseaux sociaux, nous devons
déployer des trésors de vigilance, de pédagogie et de coordination dans nos actions pour sauvegarder
notre modèle républicain laïque face à l’adversité. Et l’adversité a de nombreux visages à la fois politiques,
culturels et sociaux : réformes annoncées par le gouvernement bien avant le mouvement des gilets
jaunes, débats autour de l’intersectionnalité, accommodements déraisonnables de certains élus,
amalgames identitaires, etc…
En 2018, nous avons aussi célébré le cinquantenaire de mai 1968 et, à peine un an après, nous
traversons une période historique inédite, dont les racines sociales sont profondes et qui se traduit
désormais tous les week-ends dans la rue, ce samedi est d’ailleurs le 20e épisode de manifestation.
Or, avant même ces événements, le Président de la République avait annoncé sa volonté de réformer la
loi de 1905. Nos débats coïncident doublement avec l’actualité. D’abord, parce que se termine la période
consacrée au grand débat national, avec un échange du Président de la République face à une
soixantaine d’intellectuels au cours duquel il a affirmé qu’il ne modifierait pas la loi de 1905 dans ses
premiers articles et qu’il assurait la loi de 1905, toute la loi de 1905, rien que la loi de 1905. Comment ne
pas être d’accord ?
Mais ensuite, comment seront traduites ces affirmations ? Quelle proposition législative sortira du débat
national en matière de laïcité ? C’est toute la question. Je veux bien tenter de croire aux belles paroles
rassurantes du Président de la République mais elles ont plutôt réveillé en moi une hyper vigilance.
L’exercice du grand débat national est une véritable tentative de contre feu lancée par le gouvernement
après un long silence concernant la laïcité car nous attendons encore à ce jour un discours d’Emmanuel
Macron sur la laïcité. S’il inspire un certain respect dans la forme - car aucun autre Président de la
République n’est descendu dans l’arène pour débattre ainsi - il reste contestable :
- Premièrement, parce que six à huit heures de débats, c’est bien long, même si l’exercice de
questions réponses est inédit lui aussi,
- Deuxièmement, c’est un débat avec des personnes présélectionnées
- Troisièmement, nous sommes quand même je le rappelle en période préélectorale avant les
élections européennes…

Cette parenthèse refermée, la question qui nous préoccupe est la suivante : ce grand débat national aurat-
il la moindre influence sur les textes de loi que présentera le gouvernement pour y répondre ? Va-t-il
nous proposer en matière de laïcité la même réforme que celle qu’il avait prévu avant les gilets jaunes ?
Même si le calendrier en a été repoussé de plusieurs semaines ou mois, rien n’est moins sûr. Le 20 mars
s’est d’ailleurs tenue une réunion d’information au siège du parti de La république en Marche, à ce sujet.
Mais revenons en arrière. Fin 2018, quand les premiers bruits ont fait état de l’annonce par le
gouvernement d’une réforme de la loi de 1905, avec pour objectif d’organiser ou de faire une place au
culte musulman, nous avons appris que le Ministre de l’Intérieur commençait à consulter les représentants
des Cultes.
Avec Martine Cerf, secrétaire générale de l’association EGALE, nous avons demandé à être reçues en
tant que représentantes d’un réseau laïque. Lorsque nous avons finalement été reçues, nous avons
soulevé plusieurs questions juridiques. Pour nous en effet il est inconcevable d’introduire des exceptions
à la laïcité en matière de financement des cultes ou de salariat des imams.
Nous avons réaffirmé aux conseillers ministériels que l’installation d'un régime spécial pour les imams
serait contraire au principe d’égalité de traitement entre les cultes, principe supérieur pour la Cour
européenne des droits de l’homme. En outre, n’oublions pas que d’autres cultes seraient susceptibles
d’exiger les mêmes avantages que ceux qui seraient éventuellement accordés à l’islam. Autres
questions : pourquoi notre République exercerait elle davantage de contrôle sur nos concitoyens
musulmans ?
Le gouvernement compte-t-il élargir le Concordat d’Alsace Moselle et Guyane au reste de la France et
au culte musulman, scénario qui obligerait à davantage financer les Cultes ce qui est injustifiable ? Je
préférerais qu’il le supprime comme l’avait promis François Hollande.
Plus généralement ma conviction est la suivante : plutôt que modifier la loi de 1905 il serait urgent que la
République se donne les moyens de l’appliquer pleinement. Les français eux-mêmes sont profondément
laïques comme le démontre l’étude conduite par l’IFOP pour la fondation Jean Jaurès et qui vient d’être
publiée il y a quelques jours. Elle est frappante :
• les français soutiennent à 87% les principes de la loi de 1905 : libre exercice des cultes, liberté
de conscience, neutralité de la puissance publique, séparation des églises et de l’Etat.
• 89% sont favorables à la loi de 2010 qui interdit le port du voile intégral couvrant le visage et 83%
à la loi de 2004 qui interdit le port des signes religieux aux élèves de l’école publique.
• 75% des citoyens français de confession musulmane sont pro loi de 1905, seuls 24% d’entre eux
souhaitent son assouplissement alors que seuls 41% sont favorables à la loi de 2004. Dans cette
étude, les résultats sont encore plus favorables à la laïcité dans le camp des électeurs du
Président de la République. Une tendance rassurante y apparait puisque les français appellent
au durcissement du contrôle sur les religions dans l’espace public.
• 74% estiment que la laïcité est en danger contre 58% il y a 14 ans.
Je ne prolongerai pas plus longtemps mes commentaires sur ce sondage dont vous retrouverez
facilement les résultats mais ce sont des signaux objectifs montrant que les français ne souhaitent pas
que l’on assouplisse la loi de 1905 et que le gouvernement serait en porte à faux s’il choisissait de le
faire.
Malgré tout nous resterons vigilants, nous les sénateurs du groupe RDSE dont Stéphane Artano déjà cité
et Olivier Léonhardt, sénateur de l’Essonne, nouveau membre représentant le Sénat à l’Observatoire de
la laïcité. Cette réforme pourrait, en effet, revenir sous forme de cheval de Troie, avec un autre intitulé,
par exemple sur le financement du culte musulman ou sur le statut de l’Alsace.
F. Laborde, Sénatrice, Présidente d’Egale - 30 mars 2019 – Débats laïques au Lucernaire 3
Alors même que la population se sécularise davantage au fil du temps, un nombre de plus en plus
important de français est indifférent à la pratique religieuse.
Certes la loi de 1905 a déjà été modifiée à de nombreuses reprises mais dans la situation actuelle
hautement instable d’un point de vue social il est urgent de ne pas y toucher.
Plutôt que de réviser la loi de 1905 nous devons dresser des barrières contre la progression des
idéologies intégristes, séparatistes et communautaristes. Ce sont les accommodements déraisonnables
qui nourrissent les incompréhensions et la plus grande confusion et que nous devons combattre.
Je conclurai en rappelant que c’est aussi avec des débats comme celui d’aujourd’hui que nous y
contribuons, avec la collection Débats laïques qui s’enrichit au fil des mois, avec la mise en place d’outils
précieux comme le Dictionnaire de la laïcité, paru aux éditions Armand Collin, sous la direction Martine
Cerf et Marc Horwitz, véritable support pédagogique.
C’est aussi avec la coordination des actions des réseaux laïques que nous réussirons, y compris au
niveau européen.
Merci !
F. Laborde - 30 mars 2019

8 livres parus, 4 autres en préparation, avec une même ligne directrice que résume le titre de l’un d’entre eux : Citoyens d’abord, croyants peut-être, laïques toujours.
C’est ce message-là qu’a illustré la diversité des personnalités qui se sont exprimées le 30 mars 2019 : Marika Bret, DRH de Charlie Hebdo, à qui j’ai rendu hommage, Monique Cabotte-Carillon, présidente du CEDEC (Chrétiens pour une Église Dégagée de l’École confessionnelle), Thierry Mesny, président de l’Association des Libres Penseurs de France, Ghaleb Bencheikh, président de la Fondation de l’Islam de France, Michel Delmas, auteur de Islam et République laïque, entre autres.
Avec la participation de Françoise Laborde, sénatrice de Haute-Garonne et de Stéphane Artano, sénateur de Saint-Pierre- et- Miquelon, ainsi que de Bernard Teper, coanimateur du Réseau Éducation populaire.

Pour les intervenants présents, la Laïcité, c‘est plus que la Séparation et la loi de 1905, comme le montrent la loi Veil sur l’IVG et la loi Leonetti-Claeys sur la Fin de vie.
Géraldine Santrot nous a aussi fait partager son expérience d’enseignante, confrontée aux interrogations de ses élèves sur la place de la religion dans notre société, et Gérard Bouchet a pris fermement position en faveur de cette idée-force, partagée par une majorité de Français : Il ne faut pas « réviser »la loi de 1905.
Il faut l’étendre à tout le territoire national. Contrairement à ce que veulent faire le Président Macron et son Premier ministre, a-t-il souligné.

Dans la collection Débats laïques, pas de place pour le défaitisme, sinon nous ne serions pas dignes des pionniers de 1905 rappelle Gérard Delfau son fondateur.