Interview pour le magazine Faire Face, mieux vivre son handicap
Violences : « Si une femme ne perçoit plus l’AAH car son conjoint travaille, elle ne peut pas partir. »
Sénatrice Rassemblement démocratique et social européen (RDSE, centre-gauche) de Haute-Garonne, Françoise Laborde a présenté, avec trois collègues, le 25 novembre, un projet de résolution sur les violences faites aux femmes handicapées. Certaines des propositions vont plus loin que les mesures annoncées, le même jour, par le gouvernement.
Faire Face : Pourquoi une proposition de résolution pour ʺdénoncer et agir contre les violences faites aux femmes en situation de handicapʺ ? Le gouvernement ne vient-il pas de présenter des mesures en ce sens ?
Françoise Laborde : La délégation aux droits des femmes du Sénat a toujours porté une attention particulière à la question du handicap. Dans le sport, la culture…, l’égalité hommes-femmes n’est pas respectée. Lorsque s’y ajoute un handicap, c’est pire.
Et en matière de violences, conjugales et familiales, mais aussi au sein des institutions ou dans les transports, bref, dans la société toute entière, il y a une double peine. Voilà pourquoi nous avons choisi de traiter du sujet.
FF : Certaines des mesures annoncées sont assez proches de ce que vous préconisez. Mais vous portez aussi des revendications fortes, notamment en matière d’autonomie financière des femmes handicapées. Quel est votre point de vue sur les annonces faites à l’issue du Grenelle ?
F.L : Le Grenelle comptait onze groupes de travail. Qu’il y en ait eu un consacré au handicap est déjà une bonne chose. Même si je regrette que nous n’y ayons pas été invités. La création des centres de ressources en région, c’est parfait. La présence de données genrées dans les études et les enquêtes, on sait que cela s’avère efficace en matière d’égalité. On verra si cela permet des évolutions sur le thème du handicap.
« Le sujet de l’autonomie financière est à prendre en compte. »
Former les professionnels du médico-social, c’est très bien. Reste qu’il faudrait aussi une formation spécifique au handicap pour les autres corps de métier. Par exemple, les policiers qui recueillent les plaintes de femmes victimes de violences.
Cependant, il reste des chantiers non abordés à prendre en compte. En particulier celui de l’autonomie financière. Si une femme ne perçoit plus l’AAH car son conjoint travaille, elle ne peut pas partir, si elle subit des violences. Nous sommes majoritairement favorables à la suppression de la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l’AAH.
FF : À quoi peut servir votre résolution ?
F.L : Son utilité consiste à mettre le gouvernement en face de ses responsabilités. Une résolution n’oblige pas les citoyens, mais le gouvernement. Une fois adoptée, elle contribuera à la mise en place effective des mesures du Grenelle. Nous pourrons intervenir dans les discussions interministérielles, notamment pour pousser la formation. Nous serons un aiguillon.
Grenelle des violences conjugales : des mesures spécifiques pour les femmes handicapées
Dans ses conclusions, le Grenelle des violences conjugales stipule que toute mesure doit prendre en compte les besoins particuliers des femmes handicapées. Ainsi, le numéro d’urgence, 39 19, bientôt ouvert 24 heures sur 24, doit-il être rendu accessible.
En outre, trois mesures spécifiques concernent les femmes en situation de handicap. C’est d’abord, dans chaque région, la mise en place d’un centre de ressources pour les accompagner dans leur vie intime et sexuelle, et leur parentalité. C’est ensuite un rappel aux Établissements et services médico-sociaux de la nécessité de respecter l’intimité ainsi que les droits sexuels et reproductifs. Enfin, ce sont des formations initiales et continues à destination des professionnels, notamment de ceux qui interviennent dans ces structures.