Conférence de l'Agence Technique Départementale "Laïcité et Collectivités Locales"
Les élus s'étaient inscrits nombreux à la demie-journée de formation proposée par l'Agence Technique Départementale sur le thème de la Laïcité dans les collecitivités locales" le 19 février 2016 à Toulouse.
Co-animée par JM Ducompte et E. Calvez. Je vous propose ci-dessous le contenu de mon discours d'introduction :
Je tiens tout d’abord à remercier l’équipe de l’Agence Technique Départementale pour son invitation à participer à cette formation.
Je vous remercie également pour votre présence, l’affluence des inscriptions à cette formation, démontre, s’il en était besoin, la forte demande des élus sur le sujet de la laïcité.
Sans empiéter sur l’intervention de Jean Michel Ducomte qui vous présentera les fondements historiques et juridiques de la laïcité, je dirai quelques mots sur ce principe qui conserve son actualité en 2016.
La Laïcité assure la liberté absolue de conscience, elle consacre des droits égaux pour toutes et tous, sans tenir compte de leurs origines, de leurs croyances ou de leur absence de croyance. Elle permet de maintenir la sphère publique dans une stricte neutralité. A ce stade, il faut définir ce qu’est la sphère publique, par opposition à celle privée.
La sphère publique représente donc les élus, les personnes dépositaires de l’autorité publique, les agents publics, les services et bâtiments publics, etc ..). Cela peut vous paraître évident mais concernant le sujet de la laïcité j’ai appris d’expérience qu’il est bon que des évidences soient rappelées. La clarté de la définition des termes et des sens que l’on pose derrière des mots est indispensable.
La loi de séparation des Eglises et de l’Etat établit dès sont article 1er la notion de liberté de conscience, c'est-à-dire de liberté de croyance, ou d’incroyance ou tout simplement d’indifférence à l’égard du sacré. Elle s’oppose donc à une organisation communautariste de la société, fondée sur l’appartenance religieuse et/ou ethnique, elle est ainsi un facteur essentiel de paix civile et de fraternité.
Fondée sur une conception humaniste de la société, c'est-à-dire prenant l’homme comme unique référence, la laïcité refuse toute ingérence d’une religion dans l’établissement des comportements sociaux et des normes morales.
Mon groupe parlementaire au Sénat, le RDSE est à l’origine d’un récent débat autour d’un projet de loi demandant à inscrire les principes fondamentaux de la loi du 9 décembre 1905 à l’article 1er de notre Constitution.
Nous savions que cette proposition avait peu de chances d’aboutir, mais le but recherché était avant tout de lancer un débat au sein de la Haute Assemblée.
L’objectif était de renforcer la neutralité de la sphère publique et le libre choix individuel qui découle de la liberté de conscience et de celle des cultes. Chacun et chacune peut ainsi se saisir de son destin et conduire sa vie selon ses choix personnels et intimes. La laïcité organisée par la loi de 1905 n’est ni un dogme, ni une idéologie ni une religion comme certains voudraient le laisser croire. Elle n’est évidemment ni positive, ni négative, et n’a besoin d’aucun adjectif pour en préciser le sens ou l’intention. C’est un rempart de neutralité protégeant l’espace public de toute forme de prosélytisme.
Je reprendrai les mots de Gérard Biard, dans un numéro de Charlie Hebdo « pas la laïcité positive, pas la laïcité inclusive, pas la laïcité je ne sais quoi, la laïcité point final ! ».
Pour certains on peut lire ça et là que la laïcité est une marque de tolérance. A mon sens il faut ajouter que la laïcité n’est pas QUE de la tolérance. Ce sont justement ces accommodements raisonnables ou déraisonnables qui amènent au communautarisme.
Il faut savoir traiter le sujet de la laïcité avec la dose de fermeté nécessaire.
Et les élus locaux me direz-vous ?
Les élus locaux sont les premiers garants et défenseurs au quotidien du principe de laïcité.
Une grande partie de leur activité repose sur le maintien du bien vivre ensemble et sur l’application quotidienne des règles de citoyenneté. Respecter les droits de chacun mais aussi veiller à ce que chacun respecte ses obligations de citoyen !
Les élus locaux n’ont pas à disserter lors de débats publics sur la laïcité comme aujourd’hui, mais ils ont à gérer des cantines scolaires, où se présenteront, peut-être, des demandes de nourriture halal ou casher.
Ils ont à rappeler que l’école, lieu de neutralité par excellence et facteur du vivre-ensemble, ne saurait distinguer par l’alimentation qu’elle sert des catégories d’enfants, en fonction de leur supposée appartenance religieuse.
Ces demandes de « dispense » ou de traitement différencié ne font que fractionner toujours plus la communauté éducative.
Les élus ont peut-être également à gérer des conflits suscités par des familles ou des adolescentes qui refusent l’application de la loi du 15 mars 2004, interdisant le port de signes religieux ostensibles dans l’enceinte scolaire.
Ils auront peut-être à faire à des animateurs sociaux, recrutés par la municipalité, et qui se montreront plus souples dans l’application de ce texte, et plus généralement prêts à faire des concessions sur l’égalité des filles et sur le principe de mixité.
Un certain nombre de ces animateurs seront animés d’un souci louable de faciliter à tout prix l’intégration d’une population qui se sent marginalisée et qui se réfugie dans la religion comme facteur identitaire. Mais il ne faut pas céder.
Le recul des pouvoirs publics en la matière aggrave les conflits au lieu de les faire disparaître.
Je reprendrai les arguments de Mathilde Philip-Gay dont j’ai fait la connaissance récemment. Elle est maîtresse de conférences à l’université Lyon 3 et experte qualifiée auprès de l’Observatoire rhônalpin de la laïcité. Elle fait aussi partie des initiateurs d’une formation civique en laïcité sur la Ville de Lyon qu’elle co-dirige à destination des fonctionnaires, des autorités religieuses et de toutes autres personnes intéressées.
Dans la pratique, des questions surgissent tous les jours. Que faire… quand des agents refusent d’effectuer certains gestes pendant leur travail au nom de la religion ? Ou quand une cuisinière, au nom de sa confession, refuse de toucher la viande de porc ? Le cap de la laïcité n’est pas simple à tenir. Le management de la diversité ne s’improvise pas !
Il y a des réflexes à acquérir. D’une part, traiter le fait comme n’étant pas religieux, d’autre part, observer les règles de droit, pour se rendre compte qu’on résout la plupart des conflits…
Dans nombre de cas, en enlevant le caractère religieux, on constate que ce sont des personnes ou agents qui refusent d’être soumis à la loi commune. Il faut arrêter de parler des prières ou des vêtements. Ce que l’on voit, ce sont des personnes qui dérogent au règlement intérieur… Et ça, c’est juste inacceptable.
Quand on est élu, on doit souvent gérer l’urgence mais en ce qui concerne le sujet particulier de la laïcité je recommanderai justement de pas traiter dans l’urgence. Il est bon de ne pas réagir à chaud !
Il faut apprendre à se préparer des arguments et des phrases types afin de laisser les tensions retomber. Uniquement dans un second temps, on prendra le temps de décider, d’expliquer. Cette stratégie permet avant tout de ne pas se laisser « embarquer dans l’émotionnel » et surtout de peser le vocabulaire que l’on va utiliser en tant qu’élu(e) de la République et pas en tant qu’Homme ou Femme qui a un vécu.
Pour ma part, je considère que l’on peut aisément parler de laïcité si on est au clair avec sa « religiosité ». J’utilise ce terme à dessein car on est libre de croire ou de ne pas croire ! Si, soi-même on sait où l’on en est par rapport à la religion et surtout si on connait le mode de fonctionnement des personnes croyantes, on peut sereinement aborder ce type de sujet sans craindre de commettre un faux pas.
Il est important de ne pas confondre islam et islamisme, ou intégrisme.
Il en va de même pour les autres religions monothéistes : l’examen de la loi sur le mariage pour tous nous a permis de constater que les intégristes catholiques étaient également nombreux dans les rues de Paris les soirs de séances. Idem pour les témoins de Jéhovah, s’agit-il d’une religion ? d’une secte pour certains ? Ce que je veux exprimer avant tout c’est l’écueil de la marginalisation des croyants et l’ampleur que prennent les actes racistes qui sont la pire des réponses à apporter.
Les évènements tragiques de l’année passée n’ont rien changé au débat sur la laïcité. Certes les médias mettent plus en exergue les problèmes, les points de tension mais nous pouvons convenir que dans l’exercice d’un mandant d’élu, les positions au regard de la laïcité sont les mêmes, seule manque la maîtrise du sujet.
C’est là que je rejoins la position d’Elisabeth Badinter, je parlerai très rapidement de cette prise de position qui m’amène, avec deux de mes collègues, à suspendre ma collaboration aux travaux de l’Observatoire de la laïcité.
Durant les 3 années que j’ai passé à travailler au sein de cette instance j’ai pu apprécier le travail fourni. Nous avons participé à la rédaction de plusieurs documents, chartes et rapports dont je ne renie ni la qualité ni la nécessité. Cependant, comme je le disais dans mon introduction, le manque de clarté et de positionnement au sein de cette autorité a été source de trop grandes distorsions.
Je fais partie de ceux qui appellent à une plus grande fermeté et un constat honnête des situations vécues dans les hôpitaux, dans les universités, lors de sorties scolaires, etc etc
Mais le préalable à tout cela repose sur une définition claire de ce qu’est la laïcité et c’est pour cela que je passe la parole à mon collègue : Jean Michel Ducomte !