Question au Gouvernement : Sécurité intérieure
Le jeudi 2 juillet 2015, j'ai posé une question d'actualité au ministre de l'Intérieur, M. CAZENEUVE, sur le nouvel état-major opérationnel pour la prévention du terrorisme.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour le groupe du RDSE.
Mme Françoise Laborde. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
II y a moins d'une semaine, notre pays a une nouvelle fois été frappé par le terrorisme djihadiste et la barbarie la plus ignoble. À la différence de ce qui s'était passé en 2012 à Montauban et Toulouse ou en janvier dernier à Paris, la décapitation d'un chef d'entreprise dans le Rhône et l'attaque contre une usine de l'Isère ont été commis sur des territoires que l'on pouvait jusque-là qualifier de « tranquilles », où ce type de violence extrême ne s'était encore jamais manifesté.
Aujourd'hui, nous savons qu'aucune partie du territoire national n'est à l'abri du terrorisme. La seule protection est donc le renseignement.
Or, monsieur le ministre, comme vous le savez, ces attentats ont un point commun : leurs auteurs avaient tous été repérés un jour par le renseignement français, mais tous sont pourtant sortis des radars avant de passer à l'acte.
Si l'auteur présumé de l'attentat de Saint-Quentin-Fallavier, pour ne citer que le dernier en date, avait bien été fiché entre 2006 et 2008 par les renseignements généraux, il n'a plus retenu ensuite, nous dit-on, l'attention de la Direction centrale du renseignement intérieur.
Pourquoi tous ces profils, une fois entrés en phase de « sommeil », ne font-ils plus l'objet d'un suivi ? Est-ce seulement par manque de moyens humains ?
Comme vous, monsieur le ministre, nous connaissons l'excellence de nos services de renseignement, la qualité et l'engagement des policiers qui y travaillent, et je saisis cette occasion pour leur rendre hommage.
Chacun connaît ici votre souci permanent de la rigueur et de l'efficacité, pour vous-même comme pour les services que vous dirigez. Et il ne saurait en être autrement quand il s'agit de la sécurité des Français.
Nous sommes apparemment face à un problème plus structurel d'organisation des services et plus particulièrement de coordination de la lutte antiterroriste.
C'est la raison pour laquelle vous avez annoncé hier la création d'un état-major opérationnel pour la prévention du terrorisme. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce nouveau dispositif ? Cette structure permettra-t-elle une meilleure circulation de l'information entre les différents services, notamment entre le terrain et la prise de décision au plus haut niveau ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame Laborde, je voudrais tout d'abord rendre hommage à Hervé Cornara, exprimer notre tristesse, dire nos pensées à sa famille et à ses proches. J'assisterai demain à ses obsèques, aux côtés de sa famille, dans l'Isère.
J'ai senti, au moment où je me suis rendu sur place, une considérable émotion de la part des élus, de la part des pompiers qui sont courageusement intervenus et auxquels je veux rendre hommage, de la part de l'ensemble des forces de sécurité, dont vous avez eu raison de dire, madame la sénatrice, à quel point elles sont mobilisées – qu'il s'agisse de la sécurité publique ou de la sécurité intérieure – dans la lutte contre le terrorisme.
Je n'ai cessé de l'expliquer à l'occasion de la discussion de la loi sur le renseignement, nous sommes confrontés à un phénomène d'un type nouveau. Il conduit des profils très différents – soit qu'ils présentent des fragilités psychologiques ou psychiatriques, soit qu'ils aient été endoctrinés, soit qu'ils aient rencontré à un moment donné des ruptures, des échecs qui les ont fait basculer – à préparer, puis à commettre des actes terroristes d'une extrême gravité.
Le profil de celui que vous avez évoqué est très particulier par rapport à ceux qui avaient jusqu'à présent frappé. Il n'était pas dans la délinquance, il n'avait pas de casier judiciaire. Il avait été signalé comme radicalisé, mais aucun élément en provenance des services de renseignement depuis 2006 n'avait fait apparaître un risque de passage à l'acte.
Nous sommes face à une réalité nouvelle parce que ce terrorisme est en libre accès sur internet, parce que les profils qui peuvent basculer sont multiples et parce qu'il y a une tentative de plus en plus forte de dissimulation de ces actes de la part de leurs auteurs. Conseillés en cela par les groupes terroristes, ils utilisent le darknet, la cryptologie ou des moyens de communication téléphoniques sophistiqués.
C'est la raison pour laquelle nous avons renforcé les moyens des services de renseignement : 1 500 emplois ont été créés depuis janvier, s'ajoutant aux 500 emplois créés chaque année depuis le début du quinquennat. Nous consacrons 250 millions d'euros pour assurer la modernisation de nos infrastructures numériques et informatiques. La loi sur le renseignement, qui est centrée sur la lutte contre le terrorisme, doit permettre, par la mobilisation de techniques nouvelles, d'avoir accès aux intentions de ceux qui se dissimulent.
Bien entendu, je veux parfaire tout cela en décloisonnant les services parce qu'il faut que les informations soient échangées.
C'est la raison pour laquelle j'ai donné mission aux préfets de zone de réunir l'ensemble des services autour d'eux et j'ai mis en place l'état-major que vous avez mentionné, destiné à faciliter la circulation de l'information entre tous les services.