Levée des sanctions contre la Russie
Le Sénat a discuté le 8 juin 2016 d’une proposition de résolution européenne relative aux sanctions de l’Union européenne à l’encontre de la Russie.
A l’approche du Conseil européen des 28 et 29 juin, soulignant les limites de la situation actuelle, ses souhaitaient encourager la levée des sanctions visant la Russie.
J’ai voté en faveur de ce texte considérant que l’impact économique des sanctions est délétère et qu’il n’est pas le meilleur moyen de rétablir la situation au niveau diplomatique aussi bien que politique.
Je tiens à rappeler les conséquences des sanctions pour l’Union européenne, pour la France et pour la Russie afin d’expliquer mon vote.
- L’impact pour l’Union européenne
Le 7 août 2014, la Russie a pris plusieurs mesures de représailles aux sanctions européennes qu’elle a renouvelées jusqu’au 6 août 2016. Celles-ci ont conduit à la mise en place d’un embargo concernant le boeuf, le porc, la volaille, le poisson, le fromage, le lait et produits laitiers, les légumes et les fruits en provenance des États-Unis, de l'Union européenne, de l'Australie, du Canada et de la Norvège.
Ces restrictions ont été étendues par la suite aux abats, farines animales, lard et autres produits dérivés du porc et des poulets mais pour des raisons sanitaires. En effet, s’agissant par exemple du porc, il relevait déjà d’un embargo sanitaire mis en place en 2013 lié à la peste porcine africaine mais que la Russie assimile désormais à l’embargo politique.
Les exportations agroalimentaires en direction de la Russie ont baissé de 39% en 2015, une partie de cette baisse étant toutefois due au problème de la dépréciation du rouble.
Selon un rapport confidentiel remis au mois de juin 2015 par les ambassadeurs permanents auprès de l’Union européenne, les sanctions mutuelles n’auraient qu’un faible impact sur l’économie des 28. Elles seraient en tous cas « minimes et gérables » car les entreprises européennes auraient réorienté leurs produits, y compris agricoles, vers d’autres pays. La contraction du PIB de l’Union européenne en raison de la crise avec la Russie serait évaluée à 0,25% du PIB.
Cependant, une étude de l’institut de recherches économiques autrichien Wifo, qui évalue l’impact de la crise économique russe (sans distinguer la part des sanctions), considère que celle-ci coûterait à l’Allemagne 1% du PIB et 0,5% à la France. Cet écart d’analyse avec celle du rapport précité s’explique par une approche temporelle différente. L’union européenne raisonne sur le court terme tandis que Wifo s’inscrit dans le long terme.
Selon la Banque mondiale, l’embargo pourrait provoquer la perte de 130 000 emplois en Europe.
- L’impact pour la France
Les exportations françaises vers la Russie ont diminué de 12,1% en 2014 et de 33,2% en 2015, selon les chiffres des douanes françaises.
Sur le plan agricole, alors que la filière française traverse une crise structurelle, l’embargo russe a amplifié celle-ci. La production porcine allemande, réorientée sur le marché européen, a provoqué la baisse des cours en France.
L’embargo commence à peser sur d’autres filières, notamment les fruits et légumes, au point que le ministre français de l’agriculture pousse à la levée de l’embargo russe.
Faisant un geste, la Russie a exclu, le 27 mai dernier, de la liste des produits couverts par l'embargo alimentaire la viande et les légumes utilisés pour la fabrication des aliments pour bébés.
Sur le plan industriel, l’embargo n’a pas empêché le maintien d’une présence française en Russie. Si Total a dû renoncer à l’exploitation du pétrole de schiste, soumis à embargo, le groupe est resté impliqué dans le projet du géant de Yamal LNG, dans le gisement gazier de Termokarstovoïe et dans le projet pétrolier Kharyaga. Le secteur du nucléaire s’en sort le mieux, la Russie ayant honoré tous ses contrats y compris avec l’Ukraine.
L’annulation, par un arrangement franco-russe du 5 août 2015, de la livraison de deux navires Mistral commandés par la Russie à la France en 2011 est un dommage collatéral des sanctions car celles-ci n’étant pas rétroactives, cette vente n’était pas concernée par leur application. Si les navires ont été revendus à l’Egypte, la France a subi des pertes induites telles que la marge du constructeur, les frais de gardiennage dans l’attente de la revente et l’accès gratuit de fait par la Russie à des technologies et savoir-faire dont elle ne disposait pas et qu’il n’est pas possible de « récupérer » (assemblage des coques de navire par blocs de grandes dimensions ou encore système de gestion des communications et celui de direction des opérations).
- L’impact pour la Russie
Avant que n’interviennent les sanctions, la Russie était déjà dans un contexte de crise économique. En effet, alors que le pays a connu une forte croissance dans les années 2000 (augmentation annuelle moyenne de 7%), la crise financière mondiale a eu des répercussions en Russie, entraînant un ralentissement net à partir de 2011, la récession ayant atteint 3,7% en 2015.
La situation s'est nettement dégradée en raison, d’une part, de la forte baisse du cours du pétrole alors que les exportations d'hydrocarbures et de produits dérivés représentaient la moitié des recettes de l'État russe et plus de 71 % des exportations du pays, et, d’autre part, de la chute de la valeur du rouble, la monnaie russe ayant perdu 41 % de sa valeur face au dollar et 34 % face à l'euro en 2014.
S’il est difficile de quantifier l’effet des sanctions dans ce contexte, le Premier ministre russe, Dimitri Medvedev a toutefois évalué à des dizaines de milliards de dollars leur impact national. Le FMI a estimé en 2015 que la Russie perdait 1,5 point de PIB en raison des sanctions.
Un climat d’incertitudes pèse en tout cas sur son économie, accélérant notamment la fuite des capitaux dont le rythme s’est accéléré depuis 2014. Au total, les fuites de capitaux ont atteint environ 130 milliards d'euros en 2014, soit plus du double qu'en 2013, et plus encore qu'au pic de la crise de 2008. La récession se propage à travers le système bancaire très affecté par un manque de liquidités.
Les sanctions ont aussi des conséquences directes dans le secteur de l'énergie, car le fonctionnement des gisements dépend fortement des technologies occidentales. Le volume du gaz extrait en Russie a baissé ce qui ne déplaît pas à certains pays de l'Union européenne qui cherche à réduire leur dépendance énergétique à l'égard de la Russie.
Considérant l’impact globalement négatif des sanctions sur les économies des pays concernés et la nécessité de trouver une « sortie de crise », les auteurs de la proposition de résolution invitent à un allègement progressif, partiel et conditionné du régime de sanctions contre la Russie.
Ils proposent un dispositif à trois étages :
- l’allègement progressif et partiel des sanctions économiques sectorielles en fonction de progrès significatifs et ciblés dans la mise en oeuvre des accords de Minsk (alinéa 17).
- une réévaluation des sanctions diplomatiques et politiques avec la reprise de discussions en vue de la tenue de réunions bilatérales de haut niveau entre la Russie et la France, voire les autres Etats membres (alinéa 18).
- une levée immédiate (« sans délai ») des sanctions individuelles visant les parlementaires russes, soit une trentaine de personnes sur les 146 personnes et entités actuellement sanctionnées (alinéa 19).
En contrepartie, la proposition de résolution rappelle le regret que la Russie ait autorisé le recours à la force sur le territoire ukrainien puis annexé la Crimée (alinéa 5) et réaffirme le principe de l’intégrité territoriale, de la souveraineté et à l’indépendance de l’Ukraine et la condamnation de l’annexion de la Crimée (alinéa 14).