Situation financière des départements

Situation financière des départements

La situation financière des départements a fait l'objet d'un débat lors de la semaine de contrôle au Sénat.

C'est ma collègue Hermeline MALHERBE qui est intervenue au nom du groupe RDSE, le 2 mars dans l'hémicycle :

Mme Hermeline Malherbe. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, débattre de la situation financière des départements, c'est débattre de l'effectivité des grands principes républicains que sont l'égalité, la liberté, la fraternité, auxquels nous ajoutons sur le fronton de l'hôtel du département des Pyrénées-Orientales la laïcité et la solidarité. En effet, qui mieux que le département porte le principe de solidarité ? Qui mieux que le département, au travers des politiques publiques, défend l'idée de l'égalité de tous les territoires et de toutes les femmes et tous les hommes qui les composent ? Nous faisons donc aujourd'hui avec ce débat œuvre de pédagogie, sous différentes formes.

Monsieur le ministre, il ne s'agit ni de pleurer ni de quémander, mais d'avoir une vision la plus juste possible des missions des départements au regard de leur budget. Depuis dix ans, ces derniers connaissent en effet tous des situations financières extrêmement tendues, en particulier en ce début d'année 2016. Presque tous les présidents de département se demandent comment boucler leur budget en 2016.

Les causes sont connues – un certain nombre d'entre elles nous ont déjà été présentées –, mais il faut que nous fassions de la pédagogie auprès non pas des élus que nous sommes, mais de la population et des médias. J'entendais sur France Info il y a quelque temps l'interview d'une chercheuse de Tours, me semble-t-il, qui pensait que l'ensemble des dépenses des départements en matière d'allocations étaient prises en charge par l'État ! Il faut dire ici que tel n'est pas le cas et que les dépenses sociales de solidarité sont toujours plus élevées, alors que, dans le même temps, les recettes sont constantes ou diminuent.

Je prends l'exemple de mon département des Pyrénées-Orientales, qui compte 470 000 habitants et 5 000 habitants supplémentaires chaque année : le coût des allocations individuelles de solidarité, que sont le revenu de solidarité active, l'allocation personnalisée d'autonomie et la prestation de compensation du handicap, s'est élevé à 182 millions d'euros, dont 85 millions d'euros à la charge du département sur les 620 millions d'euros de son budget, pour la seule année 2015.

Dans ces conditions, certains départements décident d'augmenter la pression fiscale en lieu et place de l'État. D'autres diminuent drastiquement les investissements, mettant en péril une partie de l'économie locale via la commande publique. D'autres encore diminuent leurs postes de fonctionnement, au risque de ne plus assurer la qualité de service au public. Enfin, certains utilisent les trois possibilités. Reste aussi le recours à l'emprunt, quand cela est possible.

Permettez-moi d'insister sur les chiffres : entre 2004 et 2015, la quasi-totalité du nouvel effort contributif via la fiscalité demandée aux habitants a servi à financer la partie des trois AIS à la charge du département, soit sur cette période, en cumulant les années, 580 millions d'euros pour les Pyrénées-Orientales, ce qui correspond pratiquement à l'équivalent d'un budget annuel. Ce sont 580 millions d'euros que l'État n'a pas déboursés pendant dix ans,…

M. Bruno Sido. Oh là là !

Mme Hermeline Malherbe. … mais ce sont 580 millions d'euros qui n'ont pas été injectés dans les circuits de l'économie départementale, sacrifiant au passage la création de milliers d'emplois.

Plus encore, cela pose la question de la justice fiscale et sociale sur l'ensemble du territoire français.

Il n'est pas acceptable qu'en fonction de la charge des AIS supportée par les départements, certains territoires aient renforcé la pression fiscale, et pas d'autres, alors que le RSA, l'APA et la PCH résultent de droits reconnus nationalement. Il y a donc « double peine » quand un territoire concentre une demande sociale croissante, comme les Pyrénées-Orientales, tout en étant contraint de l'équilibrer par le levier fiscal.

Faire reposer ainsi le financement de prestations sociales décidé nationalement sur les contributeurs de territoires où existent les plus fortes demandes sociales constitue une injustice notoire et un risque majeur d'insolvabilité financière.

De nombreux départements sont aujourd'hui confrontés à ce risque. Alors, pour trouver des solutions, nous avons dû nous adapter, innover pour trouver des gisements d'économies sans jamais remettre en cause la qualité de notre offre de services publics.

Un autre exemple, qui est lié à la loi NOTRe, c'est la diminution des recettes de CVAE.

La semaine dernière, le jeudi 25 février, le Premier ministre a donné des gages quant à la recentralisation du RSA. Les mécanismes de compensation sont encore à affiner dans la discussion qui s'ouvre. Très sincèrement, nous pouvons dire que notre assemblée compte sur vous, monsieur le ministre ! C'est tout de même une avancée que je salue, même si elle mérite confirmation. Certes, tous les doutes ne sont pas levés, mais les perspectives sont moins sombres qu'elles ne l'étaient il y a encore quelques jours.

Si vous estimez vraiment que le département doit vivre, il faut plaider notre cause auprès du Président de la République, du Premier ministre et de ceux qui les entourent.

M.Roger Karoutchi. Et de Bercy !

MmeHermeline Malherbe. Il faut leur dire que, recentraliser le RSA, c'est très bien, mais que cela ne règle pas tout et que ce n'est pas une assurance vie pour les départements. Il faut maintenant ouvrir les chantiers de la PCH et de l'APA dont les problèmes, sans être exactement identiques, représentent les mêmes grenades dégoupillées dans nos prochains budgets.

Dans ce grand chambardement, il faut maintenant regarder devant nous. Ce ne sont pas seulement de mesures d'urgence dont nous avons besoin. Il faut aussi répondre à une question de long terme : le département, collectivité des solidarités humaines et territoriales, a-t-il un avenir dans la nouvelle République décentralisée ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

 

Réponse du Ministre de l'Aménagement des Territoires, de la Ruralité et des Collectivités territoriales :

M. Jean-Michel Baylet,ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le débat, passionné et fourni, qui se tient aujourd'hui dans votre assemblée me permet d'aborder à mon tour la situation et l'avenir d'un échelon que je connais tout de même un petit peu, pour ne pas dire particulièrement bien, et auquel je suis très attaché : le département.

Vous le savez, j'ai toujours milité – finalement, plutôt avec efficacité – pour que soient reconnus son rôle et son importance dans l'édifice institutionnel de notre pays.

M.Jean-Louis Carrère. C'est vrai !

M.Jean-Michel Baylet, ministre. J'imagine que cela rassurera MM. Savary et Bas.

J'ai souvenir du rapport Krattinger-Raffarin, fruit d'une mission commune d'information sur l'avenir de l'organisation décentralisée de la République. Il préconisait une diminution du nombre de régions et réaffirmait la place centrale du département, notamment dans les zones rurales, comme collectivité de la solidarité et de la proximité. Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le Premier ministre Raffarin, je souscris totalement à cette vision.

Comme l'an passé, votre hémicycle accueille donc un échange consacré aux finances des conseils départementaux, sur l'initiative du groupe Les Républicains. Cette question préoccupe bien évidemment nos concitoyens et les élus de tous les territoires, dont vous êtes, ici au Sénat, les porte-parole naturels.

Au-delà du caractère hétérogène de la situation de chacun d'eux, les départements partagent tous les mêmes difficultés. En effet, bien que bénéficiant, pour la totalité d'entre eux, et même si les approches sont, ici ou là, différentes, d'une bonne gestion, les conseils départementaux connaissent un effet de ciseaux entre la baisse des recettes et la hausse des dépenses, notamment sociales, aspect qui a été présent tout au long de ce débat. La dégradation qui s'ensuit s'illustre notamment par une diminution du taux d'épargne brute, inférieur à 7,5 %, voire dans certains cas à 5 %.

À la différence de l'année dernière, le débat intervient dans un cadre institutionnel stabilisé depuis le vote de la loi NOTRe, adoptée à la suite d'un accord en commission mixte paritaire l'été dernier.

Même si ce texte prévoit plusieurs dispositions qui ont un impact important sur les finances locales, et plus spécifiquement départementales, comme le Premier ministre l'a indiqué, la réforme territoriale « ne remet pas en cause l'avenir du département », et nous en sommes vous et moi très satisfaits. Le département est au contraire renforcé, et vous l'avez souligné, dans son rôle de solidarité territoriale et sociale.

S'agissant de la solidarité territoriale, je veux souligner, même si ce point déborde légèrement le cadre du débat qui nous réunit, le rôle primordial du département, notamment dans le domaine de l'ingénierie, en direction des collectivités les plus petites ou les moins bien équipées.

Pour ce qui concerne la solidarité sociale, je rappelle que le département est compétent en matière de prévention ou de prise en charge des situations de fragilité, de développement social, d'accueil des jeunes enfants, ou encore d'autonomie des personnes. Il doit naturellement pouvoir disposer des moyens financiers qui lui permettent de remplir ses missions le mieux possible et d'exercer ses compétences dans de bonnes conditions. C'est, finalement, tout l'objet du présent débat.

Je ne peux, à ce titre, occulter l'effort demandé aux départements dans le cadre du vaste plan d'économies lancé en 2014. L'effort ainsi réclamé à tous – État, opérateurs, organismes de protection sociale et collectivités – est important et participe au nécessaire assainissement de nos comptes publics. Sur les 50 milliards d'euros d'économies répartis sur trois ans, 11 milliards d'euros sont supportés par l'ensemble des collectivités territoriales.

Pour les départements, cette contribution se traduira, en 2016, par une diminution de 1,14 milliard d'euros de leur dotation globale de fonctionnement, la DGF. En effet, c'est beaucoup ! Je ne le conteste pas.

Pour 2017, il est prévu un effort collectif renouvelé. Comme les années précédentes, celui-ci sera accompagné d'un suivi fin et adapté, tous les départements n'étant pas confrontés aux mêmes difficultés.

Si la situation des finances départementales est préoccupante, c'est principalement du fait de la progression des dépenses de solidarité.

D'une manière générale, ces difficultés sont à la fois sérieuses et anciennes ; des sénateurs de diverses sensibilités ont eu la franchise de le relever. Elles ont fait l'objet d'une attention particulière de la part des gouvernements successifs, surtout depuis 2012.

Si le département est en première ligne pour intervenir auprès des personnes âgées, des personnes souffrant d'un handicap ou de celles qui se trouvent en situation de précarité, nous devons reconnaître que les difficultés se posent de manière distincte selon les territoires concernés.

Je vais revenir sur ces différents points de façon plus détaillée.

En 2015, les dépenses de fonctionnement des départements se sont élevées à 60 milliards d'euros, contre seulement 10 milliards d'euros, hélas !, pour les dépenses d'investissement.

Le RSA représente à lui seul près de 10 milliards d'euros, soit le même montant que l'investissement. En dix ans, son poids dans les budgets des départements a doublé. L'augmentation a été particulièrement plus rapide ces dernières années. Or, même si les recettes augmentent, il est difficile de faire face à une hausse de la dépense de 8 %, comme ce fut le cas l'an dernier.

Nous le savons, cette évolution est imputable non seulement à l'augmentation annuelle de 2 % de cette allocation, dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté, mais aussi et surtout aux effets de la crise économique que notre pays a subie.

Cependant, ainsi que nombre d'entre vous l'ont remarqué, mesdames, messieurs les sénateurs, le RSA n'est pas la seule préoccupation des départements, confrontés quotidiennement aux difficultés socio-économiques des Français dans toute leur diversité. Par exemple, certains départements sont plus que d'autres mis à contribution pour assurer l'accueil des mineurs isolés étrangers, les MIE. C'est notamment le cas de Paris, de la Seine-Saint-Denis ou du Val-de-Marne.

Le dispositif national de mise à l'abri, d'évaluation et d'orientation des MIE a permis de réorienter un tiers d'entre eux. En outre, la loi de finances pour 2015 a prévu une participation de l'État à hauteur de 14 millions d'euros sur ce sujet.

Par ailleurs, une circulaire interministérielle a été transmise aux préfets, aux recteurs et aux directeurs d'agence régionale de santé le 26 janvier dernier. Elle vise à une meilleure coordination des services de l'État dans la prise en charge des MIE et à leur meilleure mobilisation aux côtés des départements, de l'entrée des mineurs dans ce dispositif à leur sortie de celui-ci.

Enfin, la proposition de loi relative à la protection de l'enfant, adoptée hier par l'Assemblée nationale, prévoit que le Gouvernement fixe désormais des objectifs de répartition des MIE sur le territoire, en lien avec l'autorité judiciaire. Un décret d'application sera rapidement publié et les départements seront associés à sa rédaction.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Comptez sur eux pour l'améliorer !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Cependant, mesdames, messieurs les sénateurs, au-delà du poids des dépenses, et alors que, je le répète, certains départements connaissent des situations encore plus difficiles que d'autres,…

M. François Bonhomme. Comme le Tarn-et-Garonne !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. … je comprends que certains d'entre vous, à l'instar de Vincent Eblé, qui vient d'aborder cette problématique, s'interrogent sur la répartition des recettes, notamment des dotations de l'État.

Le Gouvernement a engagé ce chantier en débutant par la refonte de la dotation du bloc communal, car c'est cette dernière qui concentre les écarts les plus importants. La loi de finances pour 2016 a défini les grands principes de la réforme. Le Parlement a également voté sa mise en œuvre au 1er janvier prochain.

Votre assemblée s'est d'ailleurs saisie de cette thématique en créant un groupe de travail au sein de la commission des finances. J'en rencontrerai les membres très prochainement. (M. Jean-Baptiste Lemoyne s'exclame.)

La DGF des départements s'est elle aussi construite par la sédimentation de plusieurs couches d'indicateurs, créant progressivement des écarts de dotation intolérables, situation qui dure depuis trop longtemps. La réforme de la DGF n'interviendra pas en 2016, mais des correctifs ont d'ores et déjà été apportés à cette dotation. Je pense, notamment, à la simplification opérée en 2015 pour tenir compte des évolutions de population et à la progression des mécanismes de péréquation, horizontale ou verticale.

Il faudra bien naturellement se pencher à la fois sur la DGF des départements et sur la péréquation. Nous allons nous y atteler. Certes, il existe déjà des outils. Certains, d'ailleurs, ont été prévus dans le cadre du pacte de confiance et de responsabilité que j'évoquerai ultérieurement. Toutefois, il faut encore travailler sur la péréquation, et je souhaite bien entendu le faire en y associant les représentants des départements et tous ceux, y compris dans cette assemblée, qui souhaiteront avancer sur ces sujets. Les difficultés sont bien connues, et le constat est partagé. Il s'agit de rappeler ce qui a déjà été fait et, surtout, de définir ce qui reste à entreprendre pour régler ce point.

Dès le mois de juillet 2013, le pacte de confiance et de responsabilité a été présenté. Je rappelle que celui-ci était le fruit d'une concertation menée durant six mois avec l'ensemble des représentants des collectivités locales.

Le pacte prévoyait une augmentation des ressources des départements de 1,6 milliard d'euros. Cette aide exceptionnelle correspondait à une réduction de 18 % du reste à charge des départements, question largement évoquée aujourd'hui, au titre des allocations individuelles de solidarité, les AIS. Elle prenait la forme d'un transfert des frais de gestion de la taxe sur le foncier bâti, pour un montant de dotations supplémentaire de 800 millions d'euros, et d'un relèvement du plafond des taux des droits de mutation à titre onéreux, les DMTO, de 3,8 % à 4,5 %. L'ensemble des départements a désormais adopté ces taux.

Le pacte prévoyait également – enfin ! – la création, réclamée depuis longtemps, d'un système péréquateur, par l'instauration d'un fonds d'urgence, alimenté par un prélèvement de 0,35 % sur le produit des DMTO.

Dès 2014, ces mesures ont été pérennisées par la loi de finances, anticipant d'un an la clause de revoyure.

Afin de faire face à l'aggravation de l'équilibre financier de certains départements, le Gouvernement a engagé, dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2015, une aide de 50 millions d'euros.

Cette aide est mobilisée à travers un fonds d'urgence, lequel a déjà bénéficié à dix départements, notamment à celui du Nord, pour plus de 11 millions d'euros tout de même, ou à celui du Val-d'Oise, pour près de 3,7 millions d'euros. Elle s'ajoute à la reconduction du dispositif de compensation de pertes de la CVAE pour les départements qui subissent des baisses trop brutales de fiscalité économique, par exemple en cas de fermeture d'une grande entreprise. Ainsi, deux départements ayant subi, en 2015, une diminution de CVAE supérieure à 5 % – la Creuse et le Territoire de Belfort – ont bénéficié de ce mécanisme, à hauteur de 4,5 millions d'euros.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ces mesures visaient à répondre à l'urgence de la situation et, en quelque sorte, à donner un peu d'air aux collectivités les plus fragilisées. Cependant, nous savions bien qu'elles n'en rendaient pas moins indispensable une réflexion plus globale sur le financement du revenu de solidarité active.

Je constate que le RSA est une prestation à propos de laquelle les départements ne disposent, hélas !, d'aucune marge de manœuvre. En effet, c'est l'État qui en fixe les conditions d'accès, le montant et les revalorisations.

À ce sujet, je souhaite répondre aux propositions de certains présidents de conseil départemental, notamment de celui du Haut-Rhin, visant à introduire une conditionnalité au versement du RSA, par exemple en obligeant les bénéficiaires à accomplir un certain nombre d'heures de bénévolat.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les érudits que vous êtes connaissent l'étymologie du terme « bénévolat » : il vient d'un mot latin qui signifie bonne volonté. J'y vois naturellement une antinomie avec toute forme de contrainte.

J'ajoute qu'une telle condition est impossible en droit, le non-versement du RSA étant strictement défini par le code de l'action sociale et des familles : aux termes de celui-ci, le versement de la prestation ne peut être suspendu qu'en cas de refus de se soumettre aux contrôles.

Par ailleurs, je relève que le dispositif même du RSA s'inscrit dans une dynamique de réinsertion, en prévoyant, notamment, un surcroît de rémunération en cas de retour, même partiel, à l'emploi.

C'est cette dynamique que les départements doivent encourager, en accompagnant les bénéficiaires du RSA, et non en les contraignant. Je vous rappelle que, à l'origine, le RMI, devenu RSA, comportait un volet « insertion » très important. Nous étions même tenus de consacrer 20 %, puis 17 % de notre budget à des actions d'insertion des bénéficiaires du RMI, les préfets étant en droit de les inscrire d'office si cette obligation n'était pas respectée !

Aujourd'hui, cette dimension ne s'est pas tout à fait évaporée, mais elle semble constituer une moindre priorité pour les départements. Comme le Premier ministre l'a rappelé, nous souhaitons que l'importance de l'insertion soit de nouveau prise en compte par les départements. C'est l'une des raisons d'être de cette prestation de solidarité que de ramener celles et ceux qui en bénéficient dans le monde du travail.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les rencontres de travail avec l'Assemblée des départements de France, l'ADF, ont été régulières. Comme vous le rappeliez, monsieur Huré, la dernière réunion en date s'est déroulée jeudi dernier à Matignon, en présence du président de l'Association, Dominique Bussereau, du Premier ministre et de moi-même. À cette occasion, nous avons formulé une proposition tendant à une recentralisation partielle du RSA, sous certaines conditions, répondant exactement à la demande présentée par l'Assemblée des départements de France.

D'ailleurs, l'ADF, réunie hier en assemblée générale extraordinaire, a fait, à l'unanimité moins une voix, le choix de la négociation. Tant mieux ! La négociation et l'effort pour rapprocher les points de vue sont toujours préférables au conflit… J'en suis très satisfait.

Afin que nous puissions, je l'espère, avancer dans la voie d'un accord, je recevrai, dès la semaine prochaine, la délégation de l'ADF qui a été constituée et mandatée hier pour ce faire. Si nous devions aboutir à un accord, celui-ci devra intervenir rapidement, dès la fin de ce mois, afin que les conseils départementaux puissent bénéficier d'une meilleure visibilité dans la construction de leurs budgets.

Cette recentralisation se ferait alors selon trois modalités.

La première concerne la détermination de la compensation pour l'État. Je sais bien que cette question est l'un des points d'achoppement des échanges. Il a été décidé, en effet, que la compensation serait évaluée sur la base desdépenses de l'année n-1, à savoir 2016.

À ce sujet, je veux tout de même rappeler que l'on a procédé ainsi pour tous les transferts de compétence de l'État vers les collectivités locales – en particulier, lors de la décentralisation du RSA, en 2003. Il n'est donc pas anormal que l'on fasse de même quand le transfert s'opère en sens inverse.

La deuxième modalité concerne le panier de ressources sur lequel s'opérera ce transfert. Conformément aux demandes de l'ADF, il a été décidé que les ressources dynamiques des départements – je pense à la CVAE et aux DMTO – ne seraient pas concernées, contrairement à ce qui avait été envisagé à un certain moment. Là encore, nous avons tendu la main à l'ADF.

La troisième modalité vise la mise en œuvre de mécanismes incitant les départements à renforcer leurs dispositifs d'insertion – clause de retour à meilleure fortune, bonification de la DGF, entre autres – en complément d'une inscription obligatoire des dépenses d'insertion des bénéficiaires du RSA.

Les travaux conduits par le député Christophe Sirugue sur la simplification et l'harmonisation des minima sociaux doivent également aboutir avant la fin du mois. Trois pistes sont évoquées dans le cadre d'une concertation permanente avec les départements et les associations. Nous prendrons en compte les résultats de ces travaux, le temps dont nous disposons pour parvenir à un accord équilibré étant particulièrement court.

Je veux enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, dire un mot d'une autre AIS dont il a été beaucoup question cet après-midi : l'allocation personnalisée d'autonomie.

Un certain nombre d'entre vous a souligné le poids de cette allocation, en particulier Mme la présidente du conseil général des Pyrénées-Orientales, département confronté au vieillissement de sa population dans des proportions importantes.

La loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement, dont un décret d'application vient d'être publié, a prévu la revalorisation de l'APA. Préparée en concertation étroite avec l'ADF, cette mesure sera intégralement compensée par l'État. Grâce à cette loi, le taux de compensation des dépenses liées à l'APA, après être passé de 43 % en 2002 à 31 % en 2012 – soit une chute de douze points ! –, atteindra 36 %.

Le maintien de ces ressources aux départements doit leur permettre, comme beaucoup d'entre vous l'ont espéré, de retrouver des marges de manœuvre accrues pour non seulement mener leurs politiques d'insertion, mais aussi jouer un rôle central en matière de solidarité et de soutien à la ruralité.

Tel est en tout cas l'objectif de la recentralisation que nous proposons, laquelle constitue – nous le pensons, tout comme vous ! – une solution pérenne aux difficultés rencontrées par les départements. En la matière, le Gouvernement prend ses responsabilités.

À cet égard, sachez qu'une mission d'inspection a été lancée voilà quelques jours sur la situation de la CVAE. Les départements seront strictement ponctionnés à due concurrence des transferts de charges, pas davantage.

M. Labbé a souligné l'importance des investissements publics liés à la transition énergétique. Je me permets de lui rappeler qu'il existe déjà un fonds auprès de la Caisse des dépôts et consignations et qu'une partie d'un autre fonds, doté de 1 milliard d'euros, est fléchée vers la transition énergétique.

Comme le rappelait le sénateur Adnot, qui connaît bien ces questions, les départements ont beaucoup souffert ces dernières années, quelles que soient les majorités, non par la volonté de tel ou tel gouvernement de les mettre en difficulté, mais en raison de diverses décisions.

La quasi-suppression de la fiscalité départementale, par exemple, a beaucoup contribué à leur perte d'autonomie. Par ailleurs, Bercy, qui n'a pas un travail facile, a été parfois tenté de rogner sur les dotations destinées à compenser les transferts de charges.

S'il est vrai que les départements traversent des moments difficiles, nous avons repris le dialogue. Nous avançons ensemble. Comme je l'ai dit, chacun doit prendre ses responsabilités ; moi, je prendrai les miennes. Je m'impliquerai – je le fais déjà – sur ce dossier de toutes mes forces, afin de mener à bien cette concertation et de créer les conditions, pour peu que nous cultivions les convergences plutôt que les divergences, d'un accord dans l'intérêt de tous – des départements et de l'État, qui a aussi ses contraintes. Notre proposition de recentralisation représente tout de même 700 millions d'euros. Il ne s'agit pas d'une paille !

Dans la confiance retrouvée, je souhaite que nous puissions avancer dans le meilleur intérêt des départements, de leurs finances et de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste et républicain.)

 

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