GAFA et droits voisins : une proposition de loi adoptée par le Sénat

GAFA et droits voisins : une proposition de loi adoptée par le Sénat

C'est le 24 janvier 2019 que je suis intervenur au Sénat en faveur de l'adoption de la proposition de loi du sénateur D. Assouline visant à créer un droit voisin au profit des agences et des éditeurs de presse.

Texte de mon intervention :

" Monsieur le Président, Monsieur le Ministre,

Madame la Présidente de la Commission, Mes chers collègues,

« Urgence démocratique ! ». C’est par ces termes que les entreprises de presse ont évoqué dans une tribune du 17 avril 2018 la reconnaissance de droits voisins comme condition indispensable pour consolider l’avenir de la presse.

Je félicite le Sénateur David Assouline pour cette proposition de loi et sa constance dans la défense de cette question cruciale pour notre économie et la qualité de l’information.

Le moment est particulièrement bien choisi pour soutenir cette proposition. Depuis que nous savons que les tractations qui devaient avoir lieu, il y a trois jours, ont été ajournées faute d’accord, nous souhaitons renouveler notre entier soutien aux négociateurs français pour qu’ils puissent aboutir à une solution communautaire, dans les derniers mois qu’il leur reste.

Les différends, opposant les Etats membres, doivent se régler au plus vite, car les plateformes et autres moteurs de recherche, tireraient avantageusement parti d’un tel désaccord, au détriment malheureusement des agences, des éditeurs de presse et des journalistes.

Si nous défendons, bien évidemment, la position française dans la négociation à Bruxelles, nous soutenons aussi la possibilité d’aboutir à une législation nationale en cas d’échec de ces négociations.

Je regrette que ce projet de directive ait été la cible d’une campagne de lobbying massive et parfois mensongère menée auprès de l’opinion publique et des députés européens. Ces derniers auraient reçu des milliers de mails les appelant à voter contre le texte pour « sauver internet ». La directrice générale de YouTube a qualifié le projet de liberticide, au motif qu’il imposerait aux plateformes le filtrage des contenus, ce que ne contient nullement la directive. Très actif également, Google s'est offert des encarts publicitaires dans de grands journaux français pour faire part du risque d'une moindre " diversité des contenus accessibles en ligne " en cas de vote de la directive, puis est passé à l’action en tronquant les résultats des recherches la semaine dernière, et enfin relaye sur les réseaux sociaux son message « Together for copyright » sous forme de chantage, prenant en otage l’opinion publique.

Ce mode de pression a également été observé lors des expériences nationales conduites, en Allemagne et en Espagne, qui se sont soldées par des échecs, clairement parce que les infomédiaires utilisent leur puissance dans un rapport de forces qui s’articule souvent autour de la menace du dé référencement.

Sans doute aussi, qu’il manquait à ces tentatives nationales une gestion collective de ces nouveaux droits voisins afin de renforcer les éditeurs face aux infomédiaires dans les négociations, ce que n’oublie pas de faire cette proposition de loi.

Il est tout aussi probable que de manière isolée, ces deux pays n’étaient pas en mesure de peser suffisamment dans le rapport de force, raison pour laquelle nos négociateurs doivent persévérer jusqu’à ce que l’accord soit conclu au niveau européen.

Il faudra surement y passer quelques nuits.

A l’heure de la diffusion massive des fausses nouvelles, il est essentiel de maintenir la qualité de l’information, garantie par le statut même des éditeurs et agences de presse. Leur existence, est aujourd’hui très menacée – puisque 29% de ces agences ont disparus depuis huit ans. Dans leur sillage, sont touchés tous les journalistes, leur travail, et leur exigence déontologique qu’il nous faut protéger.

Puisqu’il nous faut soutenir la capacité des éditeurs de presse à financer et à valoriser au mieux le travail journalistique, je suis également favorable à la renégociation, prévue par cette proposition de loi, de la rémunération des journalistes pour qu’ils puissent bénéficier des versements au titre des droits voisins.

Plus globalement, nous devons faire entrer les plateformes et les moteurs de recherche dans un cadre démocratique qui suppose, non seulement, qu’ils consentent à l’impôt, mais aussi, qu’ils assument leurs responsabilités.

Nous avions défendu avec force, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2019, l'article visant à mettre en place une fiscalité effective des GAFA, adopté à une très large majorité au Sénat. Nous soutenons également la position de la France sur le projet de directive de taxe sur les services numériques, présentée par la Commission européenne qui prévoit de taxer leur chiffre d'affaires. La mise en place d’une telle taxe, au niveau national en 2019, en cas d’échec des négociations défendue par le Gouvernement français, nous semble une position courageuse.

En tant que rapporteure de la commission de la culture du Sénat sur les crédits de la mission Livre et industries culturelles du projet de loi de Finances 2019, j’avais déjà pu défendre les avancées indéniables que la directive sur le droit d’auteur prévoit en matière de propriété intellectuelle sur internet. Il s’agit aujourd’hui pour nous, au travers du soutien que nous apportons à ce texte et aux négociations européennes, de rééquilibrer le rapport de force et le partage de la valeur en faveur des éditeurs, des agences de presse et des journalistes.

Mes chers collègues, j’espère que le Sénat, dans sa grande sagesse, s’exprimera en faveur de cette proposition de loi que nous avons adoptée unanimement, en commission de la Culture, afin de clairement marquer le soutien de notre Haute assemblée à la position française défendue à Bruxelles pour la création des droits voisins.

Je vous remercie."

 

 

Texte de l'amendement n°4 ue j'ai déposé à l'article 2 :

ARTICLE 2

Alinéa 2

Remplacer le mot :

vingt

par le mot :

cinq

 

Explication de vote de cet amendement :

 "Cet amendement, qui fixe la durée des droits voisins pour les éditeurs et les agences de presse à cinq ans, nous semble de nature à soutenir la position française dans la négociation à Bruxelles, sur la Directive Droits d'auteurs.

Alors que la position du Conseil européen est de ramener la durée de ces droits à un an, il convient de se rapporcher de la durée de cinq ans, plus protectrice, défendue par le Parlement européen et la France."

 

 

Dossier législatif :

Dossier législatif complet sur la proposition de loi créant des droits voisins